Le sang des convalescents, un médicament contre Ebola ?
08 décembre 2014
Les convalescents sont des malades ayant guéri de la fièvre hémorragique Ebola. ©Martin Zinggl
Présents en grand nombre dans l’organisme des patients guéris d’Ebola, les anticorps contre le virus sont peut-être LA solution à l’épidémie. En tout cas, l’option consistant à transfuser des éléments du sang des convalescents aux malades va bientôt être évaluée en Guinée. L’Etablissement français du Sang (EFS) participe activement à ce travail.
Le sang est un produit complexe. Dans le cas de cette étude, c’est ce que contient le plasma qui intéresse en réalité les médecins. Riche en anticorps, il pourrait permettre au malade transfusé de bénéficier de la protection immunitaire du patient guéri d’Ebola. C’est en tout cas ce qu’espèrent les chercheurs dans ce travail coordonné par Johan van Griensven de l’Institut de médecine tropicale (IMT) d’Anvers en Belgique. « Pour prélever le plasma », explique le Pr Pierre Tiberghien, directeur général délégué Médecine, Sécurité, Qualité et Recherche à l’EFS, « il existe deux méthodes. On peut le séparer du reste du liquide après un don de sang total. Ou alors on peut réaliser une aphérèse. » Le sang prélevé chez le patient est centrifugé pour séparer les différents composants du sang grâce à une machine dédiée. Le plasma est conservé tandis que le reste des éléments sanguins est réinjecté au donneur.
« L’aphérèse est plus compliquée à réaliser », poursuit-il. Toutefois, « elle a pour avantage de pouvoir prélever un plus grand volume de plasma, 700ml contre 200ml pour un don de sang total ». Par ailleurs, la fréquence des dons est plus importante. « En France, une même personne peut donner son plasma jusqu’à une fois tous les 15 jours contre 4 à 6 fois par an pour un don de sang total. » Mais « comme cette technologie n’existe pas encore à Conakry, nous devons d’abord installer les machines et former les personnels avant de lancer l’étude », souligne le Pr Tiberghien.
Environ 100 malades transfusés
L’essai clinique devrait débuter dans le courant du mois de janvier, à Conakry. Actuellement en cours d’élaboration au Centre national de transfusion sanguine guinéen, pour ce qui concerne le prélèvement de plasma, ce travail d’évaluation de l’innocuité et de l’efficacité du sang et du plasma devrait concerner environ 100 malades. Lesquels sont pris en charge dans le centre de traitement de Médecins sans frontières (MSF) de la capitale. « Nous n’aurons pas les moyens, dans un premier temps, de prélever du sang ou du plasma pour davantage de patients », explique le Pr Tiberghien. « Nous comparerons en parallèle les résultats de ces transfusions avec une prise en charge optimale d’autres patients. » Encore en phase exploratoire, « une première équipe s’est rendue sur site il y a 10 jours dans le but de débuter les efforts de formation courant décembre », précise-t-il.
C’est donc la technique de l’aphérèse qui devrait être retenue. Toutefois, « le prélèvement de sang total pourrait constituer un plan B, en cas de difficulté d’obtention de plasma. » Le sang total peut d’ailleurs être intégralement transfusé aux malades. C’est ce qui avait été fait en 1995 au Congo à l’occasion d’une flambée d’Ebola. Sept malades sur 8 avaient ainsi survécu après cette transfusion. Par ailleurs, « en termes de formation, il est important d’introduire cette technique plus simple à mettre en œuvre », souligne Pierre Tiberghien. Car « à l’avenir ce sera peut-être cette option qui sera disponible le plus facilement, si, par manque de moyens, l’effort d’aphérèse n’était pas maintenu au-delà de l’épidémie. »
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Source : interview du Pr Pierre Tiberghien, directeur général délégué Médecine, Sécurité et Qualité à l’Etablissement français du Sang (EFS), 4 décembre 2014 – communiqué de presse de l’EFS, 23 octobre 2014
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet