Le viol est aussi une arme de guerre

25 novembre 2010

De trop nombreuses femmes subissent encore aujourd’hui des violences physiques et sexuelles. Et leur nombre est en augmentation en France. De 636 000 en 2008, il est passé à 654 000 en 2009, selon le rapport annuel de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). En outre, chaque jour dans le pays, 200 femmes sont violées. A l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, nous nous penchons aujourd’hui sur ces crimes commis dans le cadre de conflits armés.

Un célèbre tableau de Nicolas Poussin, l’enlèvement des Sabines, représentait déjà le viol en temps de guerre… dans l’Antiquité. Le phénomène n’est donc pas récent. Encore frappé de tabou, il n’est pris en compte par la justice internationale que depuis une dizaine d’années. Et reste trop souvent impuni. Le viol frappe des femmes, donc, mais aussi des enfants et parfois même des hommes. Coordinatrice de recherche auprès de la section suisse de Médecins sans Frontières (MSF), Françoise Duroch évoque ce phénomène qui échappe à l’entendement.

« Il est impossible de quantifier ce phénomène, d’autant qu’il se produit souvent lors de déplacements de population », note-t-elle. Bosnie, Rwanda, République démocratique du Congo (RDC)… Françoise Duroch a entendu maints témoignages de femmes – et d’hommes – victimes de viol pendant un conflit. « Avant les jurisprudences Akayezu du Tribunal Pénal international pour le Rwanda (TPIR) en 1998 et Fo?a du Tribunal Pénal international pour la Yougoslavie (TPIY) en 2001, le viol était peu pris en compte par la justice internationale » explique-t-elle. Depuis lors, il est considéré comme un crime contre l’humanité. Pourtant, peu de bourreaux sont condamnés. En outre, au niveau national aussi bien que local, les victimes se heurtent souvent au manque de considération accordée aux femmes.

Logique de guerre

« Longtemps, les violences sexuelles ont été constitutives de la logique de guerre. Les soldats étaient rétribués par le pillage et le viol des femmes de vaincus ». Elles étaient – et sont encore trop souvent – considérées comme des propriétés, au même titre que les territoires annexés par les armées victorieuses. D’ailleurs, le viol est parfois aussi un moyen de signifier sa défaite à l’ennemi. Outil d’humiliation et de torture, c’est une arme de soumission qui détruit les corps et les esprits. Dans certains cas, il est même utilisé comme stratégie de propagande par les autorités. « Pendant le génocide des Tutsis et des Hutus modérés au Rwanda en 1994, la radio Mille-collines appelait au viol des femmes tutsis, considérées comme des sorcières », raconte Françoise Duroch. Sans oublier les viols opportunistes que le climat d’impunité génère en temps de guerre.

Si les femmes constituent la majorité écrasante des victimes de viols durant les conflits (comme d’ailleurs en temps de paix), les agressions sexuelles sur les hommes existent. « L’omerta est encore plus importante sur ce sujet. Nous savons que des hommes ont été martyrisés et violés pendant les guerres en Bosnie et en Tchétchénie, mais peu d’entre eux peuvent en témoigner. Dans des sociétés qui placent la virilité au rang de valeur fondamentale, le viol d’un homme est totalement tabou ».

Prise en charge médicale et… psychologique

Après un viol, une femme a besoin de soins spécifiques. Des antirétroviraux et la pilule du lendemain entre autres, pour « limiter les conséquences immédiates d’une exposition au VIH, ou le risque d’une grossesse », explique Françoise Duroch. Aux traumatismes physiques s’ajoutent de graves dommages psychologiques. « Leur prise en charge est absolument nécessaire », insiste cette spécialiste. Malheureusement, ces soins font cruellement défaut. « En Afrique subsaharienne, l’accès aux soins pour les victimes de violences sexuelles relève d’un véritable parcours du combattant », se désole-t-elle.

Le viol laisse ainsi des traces qui perdurent… bien au-delà de l’agression individuelle. « Violées en public, devant leur famille ou leurs voisins, les victimes sont quelquefois rejetées par leur communauté ». Sans oublier qu’elles ont parfois des enfants de ces viols. De nouvelles victimes innocentes de la violence des hommes en temps de guerre

Pour aller plus loin, lisez la synthèse du rapport de l’ONDRP.

  • Source : Interview de Françoise Duroch, coordinatrice de recherche à Médecin sans Frontière (MSF) en Suisse, 22 novembre 2010

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