Les aliments fermentés, l’avenir de la nutrition ?
20 mars 2023
Depuis plusieurs années, les aliments fermentés ont la cote. Auréolés de nombreuses allégations santé, disposent-ils pour autant des bénéfices nécessaires pour constituer une solution d’avenir dans nos assiettes ?
« La fermentation, c’est la transformation d’un aliment par un microorganisme en l’absence d’oxygène », définit l’Ecole de l’Innovation et de la Transition de Nancy. Modifiés par des levures, moisissures et autres bactéries, les produits issus de cette transformation naturelle sont nombreux. A tel point que nous en consommons chaque jour sans le savoir : le pain, les yaourts ou encore les cornichons et la choucroute sont des aliments fermentés.
Et c’est loin d’être nouveau puisque l’utilisation de ce phénomène naturel aurait débuté de manière empirique 8 000 ans avant JC. « La fermentation était utilisée initialement pour conserver les denrées, préparer du pain, des boissons alcoolisées », expliquent les auteurs d’un travail mené sur les aliments fermentés à l’Ecole de l’Innovation et de la Transition de Nancy en 2015. « C’est Pasteur, en 1857 qui établira que la fermentation alcoolique est due à l’activité métabolique de Saccharomyces cerevisiae (levure de bière). »
Depuis peu, d’autres produits, moins intégrés dans notre régime alimentaire, sont devenus « tendance ». C’est le cas du kombucha et du kéfir pour les boissons fermentées ou encore des pickles (fruit ou légume mariné dans une saumure de vinaigre) et de la pâte de miso (soja fermenté). En effet, presque toutes les catégories d’aliments, laitages, légumes, viandes, céréales… peuvent être fermentés grâce aux divers types de fermentation possibles : lactique, alcoolique, acétique (vinaigre), propionique (fromages).
Une conservation longue durée
Face aux enjeux environnementaux et énergétiques, la fermentation présente de sérieux atouts. Mise en œuvre naturellement et sans électricité, ce mode de transformation des aliments permet en effet de conserver la nourriture longtemps sans réfrigération ni additif industriel.
De plus, la fermentation permettrait d’améliorer la qualité nutritionnelle des aliments. La transformation du chou en choucroute y ajouterait ainsi de la vitamine C, tandis que de la vitamine B12 serait contenue dans les yaourts.
Des bienfaits à valider
Mais tous les aliments fermentés procurent-ils pour autant des bienfaits pour la santé ? « Renforce l’immunité », « aide l’organisme à se défendre », « active la santé », « équilibre la flore intestinale »… De nombreuses allégations ont été associées à ces produits, mais les études scientifiques ne permettent pas de conclure à un intérêt global de l’ensemble des aliments issus de la fermentation, dans la mesure où ils sont très différents les uns des autres. Certains appartenant même à des catégories moins recommandables comme la charcuterie dans le cas du saucisson.
Cela étant, une partie de ces produits a bel et bien montré des bénéfices. C’est le cas du yaourt, pour lequel « l’EFSA (L’Autorité européenne de sécurité des aliments ndlr) reconnaît que les deux espèces de levains utilisées pour sa fermentation – Streptococcus thermophilus et Lactobacillus delbrueckii sp. Bulgaricus – soulagent l’intolérance au lactose », note Florence Valence de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) Rennes.
De plus, « la fermentation permet parfois de limiter l’apparition de molécules néfastes pour la santé et, à l’inverse, de favoriser celle de molécules potentiellement bénéfiques », concèdent Isabelle Savary-Auzelouxa et Françoise Rulb de l’INRAE dans leur étude sur « L’intérêt des aliments fermentés pour la santé : quelles bases ? ». « Dans certains cas spécifiques (telle la dégradation du lactose), elle améliore la santé de certaines populations cibles. »
Et des produits spécifiques, comme le kéfir, ont fait l’objet d’études montrant leur impact positif sur le microbiote intestinal, en réduisant l’inflammation. Cette action a des effets bénéfiques contre l’obésité, le diabète et les troubles cardiovasculaires.
Reste donc à « mettre en place des études cliniques observationnelles ou interventionnelles pour lesquelles l’ingestion des aliments fermentés est parfaitement connue ou maîtrisée », recommandent les chercheuses de l’INRAE, avant d’envisager « des recommandations nutritionnelles spécifiques ».
A noter : une alimentation ne peut être saine que si elle est équilibrée et variée.
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Source : Ecole de l'Innovation et de la Transition de Nancy – Inrae - Intérêt des aliments fermentés pour la santé Isabelle Savary-Auzeloux, Françoise Rul - Front. Nutr., 22 February 2021 - l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) Rennes - Sec. Nutritional Epidemiology Volume 8 - 2021 | https://doi.org/10.3389/fnut.2021.638740
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet