Maternité : la voix des sages-femmes
28 janvier 2015
Le respect des effectifs minima de personnel permettrait de garantir la sécurité dans toutes les maternités. ©Phovoir
Dans un rapport rendu public le 23 janvier 2015, la Cour des comptes dénonce le manque de personnel dans les maternités et à l’hôpital. Cette faille impacte la santé des femmes enceintes et des nourrissons. A cela s’ajoute la surmédicalisation des accouchements qui « contribue aux résultats médiocres de la France en matière d’indicateurs de périnatalité », souligne l’Ordre des sages-femmes.
Face à l’augmentation du nombre d’accouchements en France, le personnel, n’étant pas en nombre suffisant, se trouve confronté à une suractivité. Le travail administratif est de plus en plus pesant, les créations de poste se font rares. A titre d’exemple, « en Suède certaines maternités atteignent jusqu’à 900 accouchements par mois, soit 2 à 3 fois plus que certains établissements de même catégorie en France. Mais dans ce pays, une sage-femme s’occupe d’une seule femme en travail à la fois. En France une sage-femme prend en charge 2 à 3 parturientes en même temps », décrit Marianne Benoît Truong Canh, vice-présidente de l’Ordre des sages-femmes.
La surmédicalisation systématique des grossesses.
Au fil des années, les carences de personnel ont été palliées par la surmédicalisation. Or « lorsque des actes médicaux surviennent alors qu’ils ne sont pas nécessaires, le risque de pathologies augmente chez la parturiente et l’enfant à naître. »
Par ailleurs, « dans les chambres d’accouchement et à l’extérieur, des répétiteurs centraux permettent d’enregistrer les paramètres vitaux du nourrisson et de la mère et de les transmettre à distance ». Les déplacements dans les chambres deviennent donc moins fréquents. « Mais on ne peut faire une totale confiance aux machines, au risque de voire reculer la qualité et la sécurité dans la prise en charge de la grossesse ». Lesquelles recommandations étaient intégrées dans le plan Périnatalité de 2005-2007. « Si ces dispositifs médicaux de surveillance sont utiles, ils ne doivent pas remplacer le contact humain », souligne Marianne Benoît Truong Canh.
La grossesse, pas une maladie
« Pour soulager les sensations liées à l’accouchement, les péridurales sont pratiquées dans 75% des accouchements en France, contre une moyenne européenne évaluée à 50% ». La prise en charge de la douleur est une problématique essentielle. « Ce qui pose plus question, c’est l’uniformisation de la prise en charge des femmes, qu’elles aient une grossesse à risque ou non, et l’absence de prise en compte des choix et des projets des couples pour la naissance de leur enfant ».
Prendre davantage en compte les alternatives d’accouchement non médicalisé, c’est la ligne directrice du projet des maisons de naissance qui fait débat en France. Légalisé au Québec et en Belgique notamment, ce dispositif prévoit la création de structures pour donner le choix aux femmes d’accoucher sans intervention médicale, dès lors que la grossesse ne présente pas de complication.
Dans l’Hexagone, la loi permettant l’expérimentation des maisons de naissance a été adoptée en décembre 2013 et les premières structures devraient ouvrir à la fin de l’année. « Nous attendons la publication d’un décret ». Par ailleurs, le Conseil national des gynécologues et obstétriciens de France (CNGOF) a donné son avis favorable sur le projet en 2012, et la Haute autorité de santé (HAS) a fourni son cahier des charges validant ainsi le cadre de l’expérimentation. Dernière étape avant que la loi ne s’applique, la publication du décret «prévue avant la fin du premier trimestre 2015 », a récemment annoncé Marisol Touraine. Il faudrait retrouver un équilibre entre la prise en charge des grossesses à haut risque et à bas risque pour donner plus de place aux filières physiologiques », conclut Marianne Benoît Truong Canh.
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Source : Interview de Marianne Truong Canh. Les précisions de Marianne Truong Canh, vice-présidente de l’Ordre des sages-femmes, le 27 janvier 2015
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Ecrit par : Laura Bourgault – Edité par : Dominique Salomon