Médicament : la politique des coups en douce !

18 juillet 2003

Avec son amendement voté… dans le cadre du projet de loi sur le sport pour empêcher rétroactivement tout recours des industriels contre ses baisses ou annulations de remboursements de médicaments, Jean-François Mattei a fait impression. Cela, c’est sûr.

Le Leem qui représente l’industrie pharmaceutique, s’est immédiatement déclaré « très indigné ». Les autres observateurs eux, sont perplexes. Cette manoeuvre rend intouchables des textes réglementaires, a posteriori de surcroît, alors qu’en démocratie aucune loi ne saurait avoir d’effet rétroactif. Ce petit coup en douce, intervenant après le passage d’une première liste durant le week-end pascal, paraît presque pitoyable…

La liste que Jean-François Mattei devait présenter ce jeudi, fait figure de cerise sur le gâteau. Une cerise aigre, pour le moins. En fin d’après-midi jeudi, elle jouait encore les Arlésienne. Les services du ministère assuraient ne pas en disposer, et le ministre se donnait 8 jours « pour laisser aux laboratoires concernés le temps de faire part de leurs observations. » Finalement publiée in extremis en fin de journée, elle comporte quelques noms qui peuvent surprendre. Citons pêle-mêle le Fortal, un antidouleur « historique », le coltramyl (décontracturant), le Mutesa, le Librax, le néo-codion… Des médicaments d’usage courant mais pas majeurs, et qui tous ont des alternatives thérapeutiques valables.

Arrêtée par la Commission de transparence de l’Agence française de Sécurité sanitaire des Produits de Santé (l’AFSSaPS), elle rassemble 84 spécialités qui ne seront plus prises en charge. Spécialement visées du fait soit d’un Service médical rendu (SMR) « insuffisant » soit de leur composition, elles regroupent des produits renfermant de la cortisone, de la codéine ou des antibiotiques. A petites doses certes, mais potentiellement dangereux en cas de mauvais usage ou d’abus. Sont ainsi concernés des antitussifs, des désinfectants ou des antiseptiques, des antiallergiques…

Cette mesure fait suite à la publication de plusieurs listes :

  • En novembre 2000, 148 spécialités au SMR qualifié d’insuffisant voient leurs prix autoritairement réduits de 3% à plus de 11% ;
  • En mai 2001, une nouvelle liste de 835 médicaments est posée sur le bureau d’Elisabeth Guigou après que les 4 490 spécialités disponibles en France avaient été réévaluées sur instruction de Martine Aubry. Mais rien ne se passe, peut-être pour cause d’avis de grand frais sur les élections à venir ;
  • En juillet de l’année suivante, elle revient sur le devant de la scène. Les Français apprennent alors que ces médicaments pèsent lourd sur l’assurance maladie.
    Traduisez « trop lourd ». Avec une soixantaine de produits représentant 460 millions d’euros, la fameuse liste revêt un caractère quasi expiatoire ;
  • Le 19 avril 2003, les 835 deviennent 617. Une liste actualisée est publiée au Journal officiel avant de faire l’objet d’attaques frontales… jusqu’aux jurisprudences que l’on sait devant le Conseil d’Etat. Mais pendant les combats les travaux se sont poursuivis ;
  • Le 1er juillet 2003, quinze antibiotiques par voie nasale sont visés à leur tour. Purement et simplement retirés du marché, ils ne sont plus disponibles aujourd’hui.

Le dernier développement, annoncé hier mais dont nous ne connaîtrons toutes les implications que début août – pour surfer sur la torpeur estivale ? – intervient sur un autre registre. Ne nous y trompons pas, les 84 produits déremboursés sont appelés à disparaître. Par ailleurs, d’autres charrettes devraient suivre en juillet 2004 et juillet 2005. Elles concerneront d’abord les médicaments qui peuvent relever d’une automédication par le patient, à qui il sera demandé d’assumer son choix. Puis viendra une liste de produits « médicalement peu efficaces mais pour l’heure sans alternative thérapeutique ». Une définition attrape-tout qui, une fois encore, va se trouver au centre de bien des polémiques…

L’objectif affiché n’est pas d’améliorer la santé publique mais celle du budget de la Nation, qui espère épargner 42 millions d’euros cette année. Loin des 100 millions encore visés la semaine passée… Mais après tout pourquoi pas, si les décisions sont prises en toute rigueur et dans la transparence. Le moins qu’on puisse penser cependant, c’est que le chassé-croisé de ces derniers jours paraissent ne procéder ni de l’une, ni de l’autre…
© Destination Santé 2003

  • Source : Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 10 juillet 2003

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