Médicament : USA contre le reste du monde…

Il y a du Forum de Davos dans l’air, d’où une certaine électricité ! Dans une note du 24 janvier, l’OMS «salue l’initiative de compagnies innovantes, d’accorder à des fabricants de génériques les licences de certains traitements contre le VIH/SIDA.» Cette satisfaction affichée ne doit cependant pas cacher l’arbre du mécontentement qui gronde, et pas seulement dans les pays démunis.

Pour l’Organisation, « cette démarche volontaire est de nature à accroître la concurrence, à réduire les prix et par conséquent à favoriser un meilleur accès des plus pauvres aux médicaments. » Rappelant qu’elle a lancé l’année dernière avec 50 partenaires une Coalition internationale pour l’accès aux traitements contre le VIH, elle souligne que son objectif d’assurer la fourniture de ces derniers à « au moins la moitié des 6 millions de malades dans les pays les plus pauvres d’ici 2005 » reste d’actualité. Objectif d’ailleurs ambitieux, le prix de vente des médicaments n’étant que l’une des composantes du problème.

Les infrastructures locales – adduction d’eau, laboratoires de contrôle… – la disponibilité en professionnels formés ont une importance au moins équivalente à la disponibilité des médicaments eux-mêmes. Il n’en reste pas moins que le récent veto américain à la reconnaissance d’une primauté du droit à la santé sur le droit des brevets n’en finit pas de créer des remous. Petit rappel : le vendredi 20 décembre à Genève au siège de l’OMC, le vote favorable de 143 Etats membres – sur 144… – est annihilé par le veto des USA. D’où le rejet d’un compromis destiné à matérialiser les bonnes intentions formulées lors de la réunion de Doha en décembre 2001. Drôle de conte de Noël, avec un virage à 180° dans la lutte contre le VIH-SIDA mais aussi, à un moindre degré, contre la tuberculose et le paludisme.

Depuis la grogne ne s’est pas éteinte. On a pu le constater, à Genève toujours, pendant le Bureau exécutif de l’OMS qui se tient jusqu’à ce mardi et doit désigner le probable futur Directeur général de l’Organisation. La brutalité de la méthode adoptée par l’administration Bush y fait beaucoup parler d’elle… Et ce dimanche un communiqué signé par 12 ONG de 8 pays a été diffusé depuis Porto Alegre où se tient le sommet pour une autre mondialisation. Venue du Brésil, du Maroc, de Thaïlande, du Venezuela et du Mexique mais aussi des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de France, la contestation annonce un sommet chaud pour l’OMC, à Genève les 10 et 11 février prochain. «Si aucune solution ne peut (y) être trouvée (…) la seule façon de faire valoir les droits humains à la santé et à la vie passe par la production massive et la diffusion de copies de médicaments brevetés au bénéfice de toutes les personnes au monde qui en ont besoin . »

Il est encore possible d’espérer qu’après l’Irak et la Corée, un troisième front de belligérance ne s’ouvrira pas au nom de la santé des plus pauvres. Ce serait un comble et sans aucun doute une honte pour la société du troisième millénaire…

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  Source : OMS, Act-Up, Oxfam, 24 et 27 janvier 2003