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Quel effet la fréquentation quotidienne des transports peut-elle avoir sur la santé mentale ? Quelles sont les conséquences du stress causé par le bruit, les retards, les embouteillages, les trains surchargés, qui rythment les déplacements jour après jour, année après année ? Des chercheurs en mobilité et en santé mentale ont voulu répondre à cette question.
Une enquête* menée par l’Institut Terram – groupe de réflexion pluridisciplinaire consacré à l’étude des territoires – et l’Alliance pour la Santé Mentale, en collaboration avec l’Ifop menée auprès de 3 300 Français met en évidence un constat partagé : se déplacer, en particulier lorsqu’il s’agit d’une obligation, pèse lourdement sur la santé mentale. Chaque jour, les Français consacrent en moyenne 65 minutes à leurs trajets domicile-travail ou lieu d’étude, soit 42 kilomètres parcourus.
Parmi les personnes interrogées, 67 % disent avoir traversé une période marquée par un stress ou une anxiété intense, 27 % ont pris des antidépresseurs, 67 % déclarent des troubles du sommeil, 53 % des symptômes dépressifs, et 32 % un épisode de burn-out. Or les difficultés des transports quotidiens apparaissent comme un facteur aggravant majeur : parmi les personnes ayant vécu un stress intense, 43 % attribuent en partie leur état aux difficultés rencontrées sur la route ou dans les transports. Ce lien est également évoqué par 41 % de celles souffrant de troubles du sommeil, 44 % des utilisateurs d’antidépresseurs et jusqu’à 46 % de celles ayant ressenti une colère poussée jusqu’à la violence.
Plus la distance parcourue augmente, plus les effets se renforcent : 67 % des personnes parcourant plus de 50 km, contre seulement 19 % pour les trajets inférieurs à 5 km. Et 39 % des habitants des zones urbaines déclarent que leurs déplacements sont une source d’anxiété, contre 30 % pour ceux vivant en zone rurale.
Chez les jeunes actifs (18-34 ans), 35 % déclarent que leurs déplacements ont un effet négatif sur leur santé. Ce ressenti diminue avec l’âge : ils ne sont plus que 22 % parmi les 50-64 ans. Cela pourrait s’expliquer par l’habitude, une pression moindre au travail ou à la maison.
Concilier vie familiale et aléas des transports est plus difficile pour les parents isolés. Parmi eux, 43 % associent les trajets à un épisode de colère intense, parfois accompagné de gestes violents, contre 22 % chez les personnes sans enfant à charge.
Les femmes, qui restent plus souvent responsables des enfants, même lorsqu’elles ne sont pas seules, sont paradoxalement moins nombreuses à considérer leurs déplacements comme un facteur principal de leur mal-être. Du fait d’une « intériorisation » des contraintes ? Concernant le sentiment d’insécurité, il touche particulièrement les plus jeunes : 56 % des femmes de moins de 35 ans insatisfaites de l’offre de transports déclarent ne pas s’y sentir en sécurité, contre 43 % en moyenne.
Au total 48 % des urbains et 45 % des ruraux se sentent « prisonniers de leur environnement ».
La voiture, bien que souvent perçue comme source de confort, n’échappe pas toujours au stress. Cependant la majorité des conducteurs réguliers (83 %) déclarent un faible niveau de stress au volant. Les transports en commun génèrent davantage de tension : seulement 66 % des voyageurs du métro ou du tram se disent peu stressés. L’autopartage apparaît comme le mode de transport le plus anxiogène, avec seulement 51 % des utilisateurs ressentant un faible stress. À l’inverse, la marche et le vélo sont associés à une diminution significative du stress pour plus de deux tiers des personnes qui les pratiquent régulièrement.
Alterner les modes de transport semble la meilleure solution : 76 % des personnes qui combinent transports en commun avec marche ou vélo ressentent de vrais effets sur le bien-être mental. Près de la moitié des Français (47 %) adoptent cette habitude au moins une fois par semaine. Ce mélange permet d’intégrer facilement de l’activité physique dans le quotidien, avec des bénéfices bien réels : meilleures humeur et concentration, moins d’anxiété.
* L’enquête a été menée auprès d’un échantillon représentatif de 3 300 Français âgés de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas (genre, âge, catégorie socioprofessionnelle, région de résidence). Le questionnaire a été administré en ligne par l’Ifop du 31 janvier au 2 février 2025.
Pour en savoir plus : Pollution sonore : une exposition sous-estimée liée aux transports urbains
Source : Mobilités : la santé mentale à l’épreuve des transports (mai 2025) Institut Terram
Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet