Myélome : une prise en charge en pleine ascension

06 mai 2016

Chaque année, 6 000 Français sont diagnostiqués pour un myélome. Un cancer de la moelle osseuse peu répandu touchant principalement les plus de 65 ans. La mise au point de nouveaux traitements progresse rapidement. Aujourd’hui, une molécule baptisée l’ixazomib est en cours de validation auprès de l’Agence européenne du médicament (EMA). Les précisions du Pr Philippe Moreau, chef du service d’hématologie clinique au CHU de Nantes.

Répertorié dans la catégorie des maladies rares, le myélome s’explique par un vieillissement anormal des cellules immunitaires. Ce cancer de la moelle osseuse touche particulièrement la population afro-américaine. Mais aussi les agriculteurs fortement exposés aux pesticides, suspectés de favoriser le risque de myélome.

Aujourd’hui incurable, cette pathologie se caractérise par d’intenses douleurs osseuses et des fractures généralisées, principalement au niveau du bassin et de la colonne vertébrale. Autres symptômes, un risque élevé d’insuffisance rénale, d’anémie et d’hypercalcémie. Autant de pathologies réduisant l’espérance de vie : les patients diagnostiqués avant 65 ans y survivent en moyenne 10 ans, contre 5 ans chez les plus de 65 ans.

Retarder la rechute

Mais bonne nouvelle, l’arsenal thérapeutique prend de l’épaisseur. « Aujourd’hui 9 médicaments disposent d’une autorisation de commercialisation, contre 4 seulement début 2015 », note le Pr Moreau, chef du service d’hématologie clinique au CHU de Nantes. Dernière découverte en date, l’ixazomib, une nouvelle molécule développée par le laboratoire Takeda.

Pour tester son efficacité, des scientifiques originaires de 26 pays ont suivi 722 patients diagnostiqués pour un myélome. Un travail mené de 2012 à 2014. Tous étaient en échec de traitement. Le premier groupe a reçu le médicament standard associé à un comprimé hebdomadaire d’ixazomib. Et ce même traitement standard associé à un placebo a été prescrit aux volontaires du second groupe.

Résultat, « chez les patients sous ixazomib, la rechute est survenue 21 mois après le début du test, contre 14 mois pour les malades sous placebo », explique le Pr Philippe Moreau, pilote de cette étude internationale. Des données publiées à l’occasion du Congrès mondial d’hématologie organisé en décembre 2015 à Orlando (Floride, Etats-Unis).

Des effets secondaires minimes

Point positif, l’ixazomib « ne déclenche aucune toxicité exceptées quelques rares éruptions cutanées dans 5% des cas ». Ce traitement peut entraîner « une diminution des plaquettes sanguines (thrombocytopénies), mais cette dernière ne nécessite aucune transfusion sanguine ».

Par ailleurs, la posologie et le mode d’administration de l’ixazomib (prise orale une fois par semaine) sont peu contraignants. « Un grand pas comparé aux autres traitements nécessitant pour certains jusqu’à 6 visites mensuelles à l’hôpital ». Enfin, contrairement à d’autres molécules, « aucun risque de toxicité cardiaque n’est repéré et les maladies hépatiques ou rénales ne constituent pas de contre-indications à la prise d’ixazomib ».

Un arsenal thérapeutique bien fourni

Aujourd’hui encore, les patients atteints de ce cancer bénéficient en première intention d’une chimiothérapie intensifiée par une autogreffe de moelle osseuse. Utilisée pour épargner les cellules saines, cette technique ne soigne pas mais apaise la douleur. Elle consiste à prélever des cellules souches sur le patient et à les réinjecter dans l’organisme pour maintenir à niveau le nombre de cellules osseuses. Et donc compenser la toxicité de la chimiothérapie sur les cellules environnantes. « Une efficacité avérée, mais l’autogreffe est seulement pratiquée chez les moins de 65 ans. Au-delà, le risque d’infections lors du prélèvement des cellules souches augmente ». L’âge moyen de diagnostic est pourtant compris entre 65 et 70 ans.

Bientôt en France ?

Des évaluations de l’ixazomib ont donc été effectuées en première ligne, combinées avec une autogreffe. Les résultats devraient être publiés en 2018. Les autorités européennes devraient se prononcer d’ici à la fin du mois de mai sur l’autorisation de mise sur le marché de l’Ixazomib. « Ensuite, une année pourrait s’écouler avant la commercialisation finale en France ». Un délai nécessaire aux procédures des autorités françaises : de l’évaluation de la balance bénéfices-risques en passant par l’analyse du service médical rendu (SMR)  à la fixation du prix unitaire et des conditions de remboursement.

La délicate question du prix…

« En France, aucun obstacle ne devrait empêcher sa commercialisation », souligne le Pr Moreau. Seul bémol, « comme la plupart des médicaments prescrits dans la prise en charge des maladies rares, et donc destinés à un faible nombre de patients, l’ixazomib coûtera très cher ». Un frein contre l’accès aux traitements anti-cancéreux déjà dénoncée par la pétition signée par 110 cancérologues et relayée dans les colonnes du Figaro le 14 mars 2016.

Aux Etats-Unis, l’ixazomib est commercialisé sous le nom de Ninlaro depuis novembre 2014. L’efficacité est telle que les procédures de mise sur le marché ont été accélérées. Mais ce traitement coûte toujours 2 320 dollars (2 000 euros) par gélule. Soit 6 960 dollars (6 000 euros) par mois.

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