Peut-on devenir asthmatique à l’âge adulte ?

05 mars 2025

L’asthme est souvent associé à l’enfance. Mais peut-on développer de l'asthme après 40 ans sans avoir jamais ressenti de symptômes auparavant ? Et que penser de sa survenue au moment de la ménopause ? Les explications du Dr Ariane Nemni, cheffe de service d’Allergologie Adulte-Enfant (CHI Robert Ballanger, Aulnay-Sous-Bois) et vice-présidente chargée de la communication auprès de la Société Française d'Allergologie (SFA).

Peut-on devenir asthmatique sur le tard ?

Dr Ariane Nemni : Oui, bien sûr. L’asthme peut apparaître à l’âge adulte. Mais entre l’asthme infantile et celui qui survient passé 40 ou 50 ans, les différences sont nombreuses. Il existe en effet un phénotype particulier d’asthme d’apparition tardive, c’est-à-dire des caractéristiques qui rendent cet asthme bien particulier. Par exemple, l’asthme infantile est principalement lié aux allergies. En revanche, l’asthme d’apparition tardive est souvent moins associé aux allergies ou aux antécédents atopiques (prédisposition héréditaire à développer des maladies allergiques comme l’eczéma, l’asthme ou le rhume des foins, du fait d’un système immunitaire qui réagit de manière excessive à certaines substances, comme le pollen, les acariens ou certains aliments, ndlr). En revanche, l’asthme tardif est fréquemment associé à un surpoids ou une obésité à l’âge adulte, ainsi qu’à un reflux gastro-œsophagien.

Dans les formes plus rares d’asthme tardif allergique, l’identification des allergènes déclencheurs est déterminante. L’interrogatoire du pneumo-allergologue doit être ciblé, notamment pour rechercher d’éventuelles expositions professionnelles. Certains métiers exposent en effet à des allergènes spécifiques. L’inhalation de particules de farine peut provoquer de l’asthme du boulanger, ou encore pour les coiffeurs, les persulfates utilisés dans les décolorants et les produits éclaircissants.

Mais l’asthme allergique peut aussi être une réactivation d’une allergie infantile qui s’était estompée à l’adolescence et qui réapparaît à l’âge adulte. Dans ce cas, un bilan allergologique est indispensable pour identifier les sensibilisations, en particulier aux acariens, aux moisissures et aux pollens.

Par ailleurs, l’asthme tardif peut aussi être lié à une intolérance à l’aspirine. Cela signifie que la prise d’aspirine ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS, type ibuprofène) peut déclencher ou aggraver des symptômes respiratoires, par exemple, une crise d’asthme. Cette réaction est particulièrement fréquente chez les personnes souffrant de polypose nasosinusienne, une affection caractérisée par la présence de polypes dans les sinus et la cavité nasale, à l’origine d’une obstruction nasale chronique qui doit être systématiquement recherchée.

La présentation clinique de l’asthme est-elle similaire à tout âge ?

Déjà, l’asthme tardif touche davantage les femmes, contrairement à l’asthme infantile qui est plus fréquent chez les garçons. Ceci en raison de l’influence hormonale, de la réponse immunitaire exacerbée, des expositions environnementales et des facteurs génétiques prédisposant les femmes de manière plus importante.

Mais quel que soit l’âge, le tableau clinique de l’asthme reste le même : gêne respiratoire, souvent plus marquée la nuit, sifflements expiratoires, oppression thoracique et toux persistante. Ces signes peuvent s’améliorer avec la prise de bronchodilatateurs de courte durée d’action, ce qui renforce la suspicion diagnostique.

Avant d’affirmer un asthme, il faut éliminer d’autres diagnostics comme une dysfonction des cordes vocales, une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ou une insuffisance cardiaque… Si un asthme est suspecté, une consultation est nécessaire pour réaliser des explorations fonctionnelles respiratoires, évaluer la sévérité de la maladie et la réversibilité de l’obstruction bronchique, et orienter la prise en charge. L’interrogatoire joue un rôle central. Il doit inclure une enquête allergologique, une évaluation des comorbidités (maladies associées) et un bilan des traitements déjà essayés et de leur observance. L’objectif est de confirmer ou d’infirmer l’asthme et, si nécessaire, d’adapter la prise en charge.

Le tabagisme semble jouer un rôle, en tant qu’irritant des voies respiratoires, mais il ne suffit pas à expliquer à lui seul l’apparition tardive de la maladie. L’origine de cet asthme reste multifactorielle, probablement liée à une combinaison de comorbidités. Et, bien entendu, les maladies cardiovasculaires, plus fréquentes à ces âges-là, peuvent aggraver cet asthme.

Comment l’asthme tardif est-il traité ?

L’asthme tardif est aussi plus sévère que l’asthme juvénile et souvent plus difficile à traiter. Il répond moins bien aux traitements corticoïdes (corticostéroïdes oraux) prescrits en cas de sévérité, ce qui complique sa prise en charge. Certains patients restent symptomatiques et gênés au quotidien malgré des traitements de fond sous forme inhalés (corticoïdes et bronchodilatateurs) pris correctement et avec une bonne observance.

Ces dernières années, l’arrivée des biothérapies a été une avancée significative dans la prise en charge des formes sévères et donc cortico-résistantes. Elles permettent d’améliorer la qualité de vie des patients en ciblant spécifiquement certains mécanismes inflammatoires impliqués dans la maladie.

Un phénotype particulier d’asthme attire l’attention : l’asthme survenant à la ménopause. Est-ce un mythe ?

Il peut s’agir soit d’un asthme d’apparition tardive, soit d’une aggravation d’un asthme préexistant (sévérité, exacerbations fréquentes) qui se modifie en cette période de déséquilibre hormonal. Il est probablement lié aux variations hormonales, mais son mécanisme exact reste complexe et difficile à établir. Comme les récepteurs aux hormones sexuelles sont aussi présents sur les bronches et modulent la ventilation, les hormones féminines (œstrogènes, progestérone), influencent l’inflammation et la constriction des bronches, avec un effet sur leur réactivité.

Ceci dit, les études sur le sujet sont contradictoires. La baisse des hormones, et en particulier des œstrogènes, semble jouer un rôle, mais leur effet varie en fonction des niveaux observés. Un taux plus élevé pourrait avoir un effet protecteur, tandis qu’une diminution favoriserait l’apparition de la maladie.

Ce qui est certain, c’est que l’asthme de la ménopause existe, et qu’il est plus souvent associé à un surpoids ou à une obésité, ce qui augmente encore le risque. Pourtant, un asthme de la ménopause survient aussi chez des femmes minces, ce qui complique l’identification d’un mécanisme unique. Malgré ces incertitudes, là aussi, ce phénotype particulier d’asthme se distingue par une forme plus sévère de la maladie et une résistance aux traitements classiques.

  • Source : Interview du Dr Ariane Nemni, cheffe de service d’Allergologie Adulte-Enfant (CHI Robert Ballanger, Aulnay-sous-bois) (février 2025)

  • Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet

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