Polémique aux Etats-Unis autour des robots chirurgicaux

12 septembre 2013

La troisième génération du robot Da Vinci permet de réaliser des interventions en binôme. ©CHU de Limoges.

Tempête dans les blocs chirurgicaux américains ! Des chercheurs suggèrent, chiffres à l’appui, que le nombre de complications associées au robot Da Vinci serait très largement sous-estimé. Les auteurs avancent même le nombre de 71 décès au cours des 12 dernières années… Qu’en est-il en France où cette machine de haute technologie est utilisée dans une cinquantaine de centres ? Eléments de réponses.

Une révolution. Aux Etats-Unis, l’affaire fait grand bruit. Elle concerne le robot chirurgical Da Vinci. Utilisé depuis la fin des années 90 outre-Atlantique (2008 en France), il a été présenté comme une révolution en matière de chirurgie mini-invasive. Et pour cause, il permet aux médecins de réaliser des interventions lourdes tout en effectuant de petites incisions dans l’organisme. Pour le patient, les bénéfices sont réels : douleurs post-opératoires moins importantes, durée d’hospitalisation diminuée, risque d’infections réduit etc.

Une expansion rapide aux Etats-Unis. Le Da Vinci fait aujourd’hui figure de blockbuster. Environ 1 400 machines de ce type – dont le coût unitaire avoisine les 2 millions d’euros – sont actuellement installées aux Etats-Unis. Une étude publiée dans le Journal for Health Care Quality, relayée par la presse nationale interpelle toutefois sur les « nouveaux problèmes concernant les robots chirurgicaux », comme l’a titré le New York Times.

Brûlures, infections, coupures… Le Dr Martin Makary et son équipe de la Johns Hopkins University (Baltimore) ont montré en effet qu’il existerait une très forte sous-déclaration d’incidents liés au robot Da Vinci. Les 245 déclarations en 12 ans (dont 71 décès) ne seraient en quelque sorte que la face émergée de l’iceberg.

Et en France ? Une cinquantaine d’hôpitaux sont équipés. Selon Nicolas Thévenet, directeur des dispositifs médicaux de diagnostics et des plateaux techniques à l’ANSM « le phénomène de sous-déclaration est récurent en matière de vigilance, y compris en France ». Il relativise toutefois : « aux Etats-Unis où le robot a été rapidement déployé,  nous avons un effet volume que nous ne retrouvons pas en France. Par ailleurs, chez nous, les incidents remontés sont le plus souvent d’ordres techniques comme des pannes ou des problèmes d’instrumentation ». Lesquels peuvent survenir en dehors d’une intervention, obligeant l’équipe médicale à reporter une intervention. Ou pendant la procédure. Dans ce cas, le médecin termine son travail par une chirurgie classique.

Et la formation des chirurgiens ? La situation française n’apparaîtrait donc aucunement comparable. Un constat confirmé par le Dr Alexandre Le Guyader, chirurgien thoracique et cardiovasculaire au CHU de Limoges. Cet établissement a été l’un des premiers à s’équiper en France du robot Da Vinci. C’était en 2008. « Je ne pense pas que le phénomène de sous-déclaration concerne de façon spécifique la chirurgie robotique », analyse-t-il. « En revanche, peut-être faut-il s’interroger sur les médecins qui les ont entre les mains ? Où en sont-ils dans leur courbe d’apprentissage ? De leur formation ? Dans notre établissement, nous avons opté pour le robot de dernière génération doté d’une double console (voir photo ci-contre). Cette spécificité permet justement de bien former les médecins concernés à la chirurgie robot-assistée. »

Remonter les complications… Au sein de l’Institut de Cancérologie de l’Ouest (ICO), à Nantes, le Pr Jean-Marc Classe utilise le Da Vinci depuis deux ans et demi. Il assure que « toutes les complications sévères sont remontées, quelles que soient les interventions, avec ou sans robot ». Dans le cas contraire, un manque de transparence porterait préjudice au patient car ce serait  « mentir de lui faire croire qu’il n’y a pas de complications ». Mais aussi au médecin « : si personne ne publie de complications cela suppose qu’il n’y en a pas. Donc si un chirurgien a une complication, il apparaîtra comme très peu compétent et sera légitimement jugé pour cette incompétence… »

Une étude en cours en France. Le débat autour de ce robot est aussi rendu difficile par le fait que son fabricant – Intuitive Surgical® – est en situation de monopole. « A ce titre, quand on parle du robot, on apparaît soit pour un pourfendeur, soit pour un défenseur. C’est compliqué », poursuit le Pr Classe. Il tient toutefois à rappeler que « cette machine présente énormément d’avantages pour le médecin comme pour le patient. Mais il faut continuer d’évaluer les complications de façon transparente ». Une étude est d’ailleurs en cours en France. Baptisée RobotGyn, elle pourrait être publiée en 2015.

 

Ecrit par : David Picot – Edité par : Emmanuel Ducreuzet

  • Source : Journal for Health Care Quality, 27 août 2013, DOI: 10.1111/jhq.12036 – New York Times, 9 septembre 2013 – Interview du Dr Alexandre Le Guyader, 12 septembre 2013 – – Interview du Pr Jean-Marc Classe, 11 septembre 2013 - Interview de Nicolas Thévenet, 11 septembre 2013

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