Poux, punaises, puces : pourquoi suffit-il d’en parler pour que ça gratte ?
06 novembre 2023
Puces, punaises de lit, poux… Si l’infestation reste bien synonyme de démangeaisons, il suffit parfois d’en parler pour ressentir le besoin de se gratter. Comment expliquer ce mécanisme ?
La simple lecture d’un courrier de l’école ou le fait d’évoquer le sujet déclenche immédiatement des démangeaisons. Comme une irrépressible pulsion… Les poux et autres punaises de lit agiraient donc à distance au point de provoquer des démangeaisons psychosomatiques.
C’est en effet ce que confirmait en 2019, sur les ondes de France Culture, le Pr Laurent Misery, directeur du centre expert national sur le prurit, chef du service de dermatologie du CHRU de Brest : « Ce n’est pas systématique mais certains types de personnalité y sont plus sensibles, comme les empathiques ou les hypocondriaques en particulier. »
Le spécialiste avance l’hypothèse « d’une réaction ancestrale de protection pour éviter une contamination, et on l’observe aussi d’ailleurs chez les primates mais également chez les chiens par exemple. Il a été démontré que ce sont les mêmes zones du cerveau qui sont activées que si les démangeaisons étaient induites par de vrais parasites ou une vraie maladie cutanée. »
Voir une personne se gratter ? Le même mécanisme
Même constat d’ailleurs si vous observez une autre personne se gratter… « Un bon gratteur en fait gratter dix ! », titrait le Dr Alain Thillay, auteur d’un résumé d’article sur le site allergique.org. Publiée dans le British Journal of Dermatology, en 2011, l’étude en question traitait de ce que les auteurs appelaient la « transmission visuelle » de la démangeaison. Ils avaient alors étudié le comportement de personnes en bonne santé ou d’autres souffrant de dermatite atopique, face justement à des vidéos de personnes qui se grattaient.
Le résultat fut sans surprise : les patients atteints de dermatite atopique ont rapporté une intensité plus élevée du prurit et se sont grattés plus souvent en regardant les vidéos de démangeaisons. Conclusion : « la gratouille est contagieuse », comme le rapportait alors le Dr Thillay. Si peu d’études ont été réalisées sur le sujet, il existerait donc bien une forme de mimétisme en la matière. Avec des personnes – plus empathiques ? – qui y seraient plus sensibles que d’autres. Ce phénomène pourrait aussi constituer un moyen de protection. Dans les cas les plus extrêmes, certains patients apparaissent même convaincus d’être totalement infestés de parasites. Ils se grattent jusqu’à provoquer des infections cutanées qui elles-mêmes démangent ! Sur le plan psychiatrique, il s’agit d’un délire d’infestation parasitaire aussi appelé syndrome d’Ekbom.
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Source : France culture, 7 Novembre 2019 - Papoiu AD, Wang H, Coghill RC, Chan YH, Yosipovitch G. Contagious itch in humans: a study of visual 'transmission' of itch in atopic dermatitis and healthy subjects. Br J Dermatol. 2011 Jun;164(6):1299-303 - Berhili N, Bout A, Hlal H, Aarab C, Aalouane R, Rammouz I. Considérations nosographiques sur le délire d'infestation parasitaire à travers trois observations cliniques. Pan Afr Med J. 2016 Jun 9;24:130. - Site allergique.org, consulté le 31 octobre 2023