Prévention, de la théorie à la pratique…

11 mars 2014

« Une vraie politique de prévention des maladies métaboliques et cardiovasculaires est-elle possible ? » Cette question était le titre d’une conférence organisée fin 2013 par l’Institut Pasteur de Lille et la Fondation d’entreprise PiLeJe, à Paris. Qu’en est-il ressorti ? La France est-elle prête à basculer du curatif vers le préventif ? Etats des lieux.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), chaque année dans le monde, 17,3 millions de personnes meurent d’une affection cardiovasculaire. Soit près d’un mort sur trois dans le monde ! Ce nombre de décès, qui a déjà fortement augmenté ces dernières années, devrait poursuivre sa folle ascension. Au point, si l’on se fie aux projections, d’atteindre 23,3 millions d’ici 2030. Soit en 16 ans, une augmentation de pratiquement 35% …

Maladies cardiovasculaires : 400 morts par jour en France !

En France, « les maladies cardiovasculaires représentent 30% des décès » explique le Dr Jean-Michel Lecerf, directeur de l’Institut Pasteur de Lille. « Ce qui représente environ 150 000 décès par an ». Soit tout de même 400 chaque jour, ou encore un toutes les 4 minutes !

Constat aussi édifiant que désolant : l’incidence de ces affections explose, alors que selon Jean-Michel Lecerf « 80% à 90% des causes en sont identifiées » ! Et de citer « la sédentarité, le tabagisme, la mal-bouffe, le stress… ». Les choses ne sont pas aussi simples qu’il pourrait paraître : « les maladies cardiovasculaires résultent d’une interaction entre des facteurs liés au mode de vie, et d’autres, à la génétique. A alimentation égale, tout le monde ne devient pas obèse ou diabétique » nous rappelle-t-il.

De nombreux freins…

Le premier frein à la mise en place d’une politique de prévention serait inhérent à « la grande complexité et hétérogénéité des causes de ces affections ».

Le second serait davantage dû aux comportements individuels. « La prévention, tout le monde est pour », reprend le Dr Lecerf. Mais quand on rentre dans le vif du sujet, « on entend dire que c’est la maladie des autres, c’est la maladie de demain. Sans compter qu’il n’est jamais évident de regarder et d’analyser son propre comportement ». Economiste de la santé (Université de Rouen), Florence Jusot acquiesce et ajoute même que « contrarier les comportements individuels, c’est quelque chose qui est moins naturel en France que dans d’autres pays… »

Un troisième frein existe aussi, qui serait plus politique. Le Dr Lecerf n’y va pas par quatre chemins : « effectivement, tout le monde réclame de la prévention. Mais le problème, c’est qu’elle agit toujours avec un effet retard. Un élu qui met en place aujourd’hui une stratégie de prévention n’en recueillera pas les bénéfices. Sans compter qu’il devra prendre des mesures coûteuses pour la collectivité, et souvent impopulaires en termes de contraintes. Ces mesures peuvent être lourdes, passant par exemple par de gros travaux d’urbanisme : création de pistes cyclables, de salles de sport… » Voilà qui est donc très compliqué, dans un contexte où chacun se renvoie la balle : « les individus se disent que le gouvernement ne fait rien pour lui. Et ce dernier rapporte que tout cela relève de comportements individuels… »

Des changements à venir ?

Il n’en reste pas moins que le Dr Lecerf « a bon espoir que tout cela change ». Sous l’impulsion de la future Stratégie nationale de Santé ? C’est en tout cas l’objectif. De son côté Florence Jusot rappelle les bénéfices « de campagnes de communication et/ou de sensibilisation très ciblées sur des groupes de population, des communautés. » De préférence à des opérations de masse… Peut-être pourrions-nous aussi nous inspirer de pays comme la Suède. « Là-bas, toutes les politiques menées sont évaluées au regard de leurs conséquences sur la santé et sur les inégalités de santé. Chez nous l’aménagement urbain est l’affaire des urbanistes et du ministère du développement durable. Pas de la santé ». Dans ce contexte, le projet de loi de santé qui sera déposé à l’été 2014 et dans lequel sera décliné le plan d’action de la SNS, est particulièrement attendu…

  • Source : Interview du Dr Jean-Michel Lecerf, 9 janvier 2014 – Interview de Florence Jusot, 30 janvier 2014 - Conférence « Une vraie politique de prévention des maladies métaboliques et cardiovasculaires est-elle possible ? », organisée par l’Institut Pasteur et la Fondation d’entreprise Pileje, Paris, jeudi 28 novembre 2013 -OMS

  • Ecrit par : David Picot – Edité par : Emmanuel Ducreuzet

Aller à la barre d’outils