











Vraiment plus précoce la puberté féminine ? Les spécialistes parlent de puberté précoce lorsque celle-ci survient avant l’âge de 8 ans chez la fille. « La puberté sur le plan biologique, est un phénomène continu et progressif. Il débute avec le développement des seins, l’apparition des poils pubiens puis se poursuit avec la survenue des premières règles », nous explique le Pr Carel.
Sur le plan épidémiologique, les Danois nous apportent des informations précieuses. « Entre le début des années 90 et la fin des années 2000, l’âge moyen du début du développement des seins a baissé d’un an, ce qui est beaucoup sur une quinzaine d’années. Mais l’âge d’apparition des premières règles n’a été pour sa part, avancé que de deux mois. » Ainsi donc les premiers signes de la puberté féminine apparaissent-ils plus tôt que par le passé.
Des facteurs multiples. Dans l’expertise collective de l’INSERM, les auteurs expliquaient de manière très claire l’évolution de l’âge à la puberté, considérée d’une manière générale. « Dans tous les pays européens, nous observons des changements dans les profils de croissance, liés aux processus d’industrialisation et de modernisation. Ces changements que l’on dit ‘séculaires’, sont observés depuis le 19e siècle : croissance et développement plus rapides, élévation de la taille moyenne, maturation plus précoce. »
Un lien avec les graisses ? « A la fin du 19e siècle, les premières règles apparaissaient vers l’âge de 17 ans. Aujourd’hui, elles se manifestent aux environs de 12 ans ». Pour Jean-Claude Carel, le principal facteur modulant l’âge de la puberté est d’ordre alimentaire. « Nous mangeons autrement, et beaucoup plus abondamment qu’il y a un siècle », poursuit-il. « Nous disposons de nombreuses données confirmant que la masse grasse chez les filles de 4-5 ans, est un facteur prédominant qui va ensuite moduler l’âge de la puberté ».
De manière plus inattendue, il semble que la composition sociale du foyer ait également une influence. « Les filles élevées par une mère seule au foyer ont une puberté plus précoce que celles vivant dans une famille nucléaire. C’est intriguant, et nous ne parvenons pas à l’expliquer », souligne notre interlocuteur.
Et les gènes ? Autre facteur à prendre en compte bien sûr, la génétique. « Un certain nombre de gènes ont été identifiés comme modulant l’âge de la puberté. Leur impact est très faible, on parle d’une variation de quelques semaines ».
Et l’environnement ? Il y a enfin toute la problématique environnementale. « Le bisphénol A, les pesticides et autres perturbateurs endocriniens ont montré in vitro, leur activité oestrogénique. Ils peuvent donc participer à la précocité de la puberté. C’est assez probable, nous disposons de nombreuses données expérimentales, mais nous manquons de certitudes sur le plan épidémiologique ».
En revanche, les facteurs climatiques n’ont pas fait l’objet de travaux scientifiques poussés. « Ils font certes partie des facteurs à étudier, mais aujourd’hui aucune étude sérieuse n’a encore été publiée sur ce sujet. Il faudrait par exemple lancer un travail sur les migrants. Mais il est fort probable que les facteurs liés à l’exposition au soleil notamment, jouent un rôle ». Il a en effet été démontré qu’il existait un gradient nord-sud, avec un âge pubertaire plus précoce dans les pays chauds. Nous reviendrons prochainement sur ce sujet, et plus précisément sur les différents degrés de précocité pubertaire.
Aller plus loin : Lire l’intégralité de l’expertise collective de l’INSERM.
Source : Expertise collective INSERM, Croissance et Puberté. Evolutions séculaires, facteurs environnementaux et génétiques, 2006 - Interview de Jean-Claude Carel, 28 février 2012