Quand le nourrisson exprime sa détresse affective en… ruminant !
04 juin 2004
Parmi les troubles alimentaires qui affectent le nourrisson, le mérycisme est sans doute le plus méconnu. Et certainement l’un des plus graves. Car il reflète une profonde perturbation du lien mère-enfant, à tel point que celui-ci en vient à… ruminer !
“Le mérycisme se caractérise en effet par le fait de ruminer la nourriture ingérée, durant plusieurs minutes voire plusieurs heures avant soit de déglutir, de vomir ou de rejeter” nous explique le Dr Geneviève Baujat du CHU Necker-Enfants malades à Paris.
Le diagnostic est très rare. Seuls deux cas de mérycisme ont été relevé à Necker au cours des dix dernières années! Cette maladie affecte principalement des nourrissons, et très rarement des adolescents ou des adultes. Au Moyen-âge où le mérycisme était plus fréquent, les adultes méricoles étaient même exposés dans les foires !
“Le mérycisme est très difficile à diagnostiquer” poursuit le Dr Baujat. “Les enfants ruminent lorsqu’ils sont seuls. Ils se coupent du monde extérieur, et prennent semble-t-il un certain plaisir voire une forme de jouissance. Ils sont amenés à l’hôpital dénutris, après une importante perte de poids“.
Du holding pour le rassurer…
Les causes fonctionnelles de l’affection restent encore mal définies. “Une chose est sûre : le mérycisme s’explique notamment par une carence affective très importante de la mère envers son enfant” nous explique Béatrice Thouvenin, psychologue à Necker. “Il est impossible de tirer des généralités. Dans les deux cas, nous avons observé des mères très différentes mais toutes deux dans l’incapacité de répondre aux besoins affectifs de leur nourrisson. L’une était très négligente dans les soins à l’enfant et le rejetait. L’autre, au contraire était hyperanxieuse et dans une angoisse de mort très importante. Pour ces deux mères, la relation à l’enfant était exempte de plaisir. Les pères, très à distance, ne leur étaient d’aucun secours“.
Le traitement se déroule en plusieurs étapes : alimenter l’enfant puis lui donner un traitement anti-reflux et enfin une prise en charge psychologique mère-père-bébé. “Parallèlement, nous faisons du ‘holding’ auprès de l’enfant” reprend Geneviève Baujat. “C’est-à-dire qu’un soignant du service est chargé de le porter en permanence au cours de la journée. Le mérycisme est une maladie grave. Mais bien pris en charge, il évolue favorablement“. A tel point qu’aujourd’hui les deux enfants traités à Necker, âgés respectivement de 13 ans et 2 ans, se portent plutôt bien et ne ruminent plus.