Que fait le cerveau quand on dort ?
23 juillet 2021
Comment réagit le cerveau pendant les phases de sommeil profond ? Dort-il ? Fait-il le tri des infos accumulées dans la journée ? Pour le savoir, des chercheurs suisses ont utilisé l’intelligence artificielle
Nous passons en moyenne un tiers de notre temps à dormir. Mais le cerveau, lui, ne tombe jamais véritablement dans les bras de Morphée. A quelle activité consacre-t-il ses « heures sup’ » ?
Pour le savoir, des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) ont utilisé une intelligence artificielle (IA) capable d’analyser l’activité cérébrale en plein sommeil.
Dormir pendant une IRM
Les volontaires ont dû se glisser en soirée dans un IRM, et joué à deux jeux vidéo : l’un basé sur la reconnaissance faciale (type « qui est-ce ?), l’autre sur le repérage dans l’espace (labyrinthe en 3D). Les volontaires ne le savaient pas, mais il était possible de gagner à un seul jeu seulement. L’objectif étant de mettre en avant l’impact d’une émotion positive sur le cerveau. Chaque joueur a ensuite dormi dans l’IRM pendant 1 à 2 heures, une durée équivalente à un cycle de sommeil complet. Une photographie du cerveau a été prise toutes les deux secondes par l’IRM fonctionnelle. Ces données ont été croisées avec celles de l’électroencéphalogramme utilisé pour mesurer « l’état du sommeil ». Puis un décodeur neuronal (IA) a permis de « déterminer si l’activité cérébrale observée durant la période de jeu réapparaissait spontanément pendant la période de sommeil », décrit Virginie Sterpenich.
La chasse aux souvenirs inutiles
Bilan, durant le sommeil, les zones cérébrales stimulées pendant la phase de jeu se sont réactivées. « Très nettement, le cerveau revivait le jeu gagné et non le jeu perdu en réactivant les régions utilisées à l’éveil. »
Le travail de tri des milliers d’informations traitées pendant la journée a donc lieu lors du sommeil profond. « C’est à ce moment-là que le cerveau, qui ne reçoit plus de stimuli externe, peut évaluer l’ensemble de ces souvenirs pour ne conserver que les plus utiles en établissant un dialogue interne entre les différentes régions qui le composent », décrivent les scientifiques.
Plus précisément, « l’hippocampe – une des structures du lobe temporal dont le rôle est de détecter les nouveautés – renvoie vers le cortex cérébral les informations qu’il a stockées durant la journée », détaille Virginie Sterpenich*, principale auteure de cette étude. « Un dialogue s’installe et permet de consolider la mémoire en rejouant les événements de la journée et en renforçant le lien entre les neurones. »
Récompenser le cerveau
Mais l’étude ne s’arrête pas là ! Deux jours après la soirée jeux-vidéos, un test de mémoire a été proposé aux volontaires. La mission : « reconnaître tous les visages du jeu, d’une part, et retrouver le point de départ du labyrinthe, d’autre part ». Encore une fois, « plus les régions cérébrales du jeu étaient activées en sommeil, plus les performances mnésiques étaient bonnes ». Ces observations prouvent donc que les émotions positives influent ce mécanisme de consolidations de la mémoire. Et qu’une récompense, comme la victoire, délivrée à chaque nouvelle information acquise aide au processus de mémorisation durable.
* chercheuse dans le laboratoire de la professeure Sophie Schwartz au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de l’UNIGE
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Source : Nature Communications, Université de Genève, le 15 juillet 2021
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Ecrit par : Laura Bourgault – Édité par : Emmanuel Ducreuzet