Qu’est-ce que le syndrome de résignation, qui frappe des enfants réfugiés en Suède ?

06 janvier 2025

Le syndrome de résignation est le thème du film Quiet life sorti en France le 1er janvier 2025. Deux fillettes réfugiées avec leurs parents en Suède tombent dans un état de quasi-coma alors que la famille risque d’être expulsée. Un syndrome bien réel qui frappe des enfants demandeurs d’asile issus de minorités persécutées dans leur pays d’origine.

Quiet life, du réalisateur grec Alexandros Avranas, est inspiré de faits réels. Le film met en scène une famille de réfugiés russes qui, en 2018, après avoir fui leur pays, se voient refuser leur demande d’asile. A ce moment précis, leur plus jeune fille tombe soudainement dans le coma. En Suède, on l’appelle l’Uppgivenhetssyndrom, le syndrome de résignation. Il s’agit d’une maladie psychique, incluse depuis 2014 dans la version suédoise de la Classification internationale des maladies et troubles associés. Ce syndrome touche des enfants demandeurs d’asile en Suède. Les symptômes commencent par un état dépressif, puis une perte de conscience et un état catatonique.

Les enfants arrêtent alors de marcher, de parler. Ils arrêtent de boire, de se nourrir et sont désormais incapables de prendre soin d’eux. « Ils se retrouvent dans un état proche du coma, allongés sur le ventre, les yeux fermés, déconnectés du monde qui les entoure. Ils sont alimentés par sonde d’alimentation. Jusqu’à présent, aucun cas connu n’a été identifié en dehors de la Suède », ajoute le site de Médecins du monde. Le syndrome a été observé pour la première fois en Suède à la fin des années 1990. Et seulement dans ce pays. Entre 2003 et 2005, plus de 400 cas ont ainsi été enregistrés.

« Une forme de protection »

Le Dr Elisabeth Hultcrantz, de Médecins du monde, a pris en charge des dizaines d’enfants atteints de ce syndrome. Elle évoque pour l’association humanitaire le cas de Sophie, une enfant de 9 ans qui a fui son pays avec sa famille. « Lorsque j’explique aux parents ce qui s’est passé, je leur dis que le monde a été si terrible que Sophie s’est repliée sur elle-même et a déconnecté la partie consciente de son cerveau », explique le Dr Hultcrantz. « Je pense que c’est une forme de protection, ce coma dans lequel ils se trouvent », ajoute-t-elle. Plus que de coma, les médecins suédois parlent de catatonie. Aucun dommage neurologique n’est observé, les examens sont toujours normaux.

L’un des dénominateurs communs à tous ces enfants ? Le traumatisme. Morts, mutilations, cadavres, dangers, menaces, manque d’eau, de nourriture… Ces enfants ont connu, alors que leur cerveau est encore en développement, des traumatismes d’une grande violence, parfois contre les membres de leur propre famille. Selon Médecins du monde, le syndrome de résignation touche principalement des enfants issus de minorités particulièrement vulnérables dans leur propre pays comme les réfugiés des Balkans, les Yazidis d’Irak et les enfants roms.

Un choc qui s’ajoute aux traumatismes

Dea Gjinovci est réalisatrice. Elle a suivi le destin d’une famille kosovare qui avait demandé l’asile en Suède. Les deux filles aînées ont sombré dans cette catatonie l’une après l’autre. Pour son documentaire Réveil sur Mars, la cinéaste a rencontré plusieurs familles et médecins. Selon les différentes explications que lui ont apportées les professionnels de santé sur place, elle explique, interrogée par Brut, que le temps que la demande d’asile soit traitée – 3 à 5 ans – les enfants s’intègrent vraiment et se sentent suédois. Ils se sentent chez eux, en sécurité et brutalement, leur pays d’adoption leur apprend qu’ils seront expulsés. Le choc s’ajoute aux traumatismes précédents.

Dea Gjinovci explique aussi que lorsque les lettres d’expulsion arrivent ce sont les enfants, qui parlent la langue, qui les lisent à leurs parents. La responsabilité peut alors être trop lourde pour de jeunes enfants âgés à peine de 10 ans.

Simuler de ne pas réagir à la douleur, “impossible”

Au début, il était souvent avancé que les enfants simulaient afin de pousser les autorités suédoises à accorder le droit d’asile. « Ils ne réagissent pas à la douleur, la douleur ce n’est pas quelque chose à quoi on peut simuler de ne pas réagir, c’est impossible », indique à Radio Canada Sonia Lupien, spécialiste en neurosciences et fondatrice du Centre d’études sur le stress humain (CESH) de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal. D’autant plus chez de jeunes enfants. Cette hypothèse a donc été définitivement écartée.

Le seul moyen connu pour ces enfants de retrouver une vie normale ? « Il n’y a qu’un médicament possible pour ces enfants et c’est la restauration de l’espoir », avant Sonia Lupien auprès de Radio Canada. Ainsi, dans pratiquement tous les cas, les enfants ont commencé à aller mieux dès lors que leur famille était en sécurité. Le retour à la normale peut être long mais il est possible.

Quiet Life, de Alexandros Avranas, 1er janvier 2025,  1h39. 
  • Source : Brut.fr, Radio Canada, Médecins du monde, Swedish agency for health technology assessment and assessment of social services

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité Emmanuel Ducreuzet

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