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Les facteurs environnementaux au sens large impriment différentes marques chimiques sur le génome au cours de la vie, exerçant ainsi une influence sur les gènes qui s’exprimeront ou au contraire s’inhiberont. C’est l’épigénétique ! Alors que la génétique est l’étude des gènes, l’épigénétique est l’étude des mécanismes qui définissent comment les gènes vont être utilisés par la cellule, ou ne pas être utilisés. Épi signifiant « au-dessus », il s’agit donc d’un niveau d’information « au-dessus » des gènes. Ces informations supplémentaires déterminent ainsi comment le code génétique est utilisé.
Il est désormais bien documenté que l’expression des gènes peut évoluer en fonction de l’environnement. C’est-à-dire que celui-ci peut modifier l’épigénome. Alimentation, vieillissement, stress chronique, pollution, tabac… Sont autant de facteurs qui peuvent modifier l’expression des gènes. L’Inserm précise que le phénomène peut être transitoire, mais qu’il existe des modifications épigénétiques pérennes, qui persistent même quand le signal qui les a induites disparaît. C’est le cas pour le tabac, dont les fumeurs conservent les modifications épigénétiques des années après avoir arrêté de fumer.
Ces marques épigénétiques peuvent même être transmises aux enfants, voire aux petits enfants. Lors de la division embryonnaire, les cellules sont toutes identiques mais vont rapidement répondre aux signaux et construire l’organisme de l’enfant à naître. « Les marques épigénétiques alors mises en place doivent se transmettre au cours des divisions cellulaires, pour qu’une cellule de foie reste une cellule de foie et une cellule osseuse une cellule osseuse », explique l’Inserm. Rien de très surprenant à ce stade.
Mais d’autres manifestations sont plus étonnantes. Exemple concret lors de la grande famine aux Pays Bas à la fin de la Seconde Guerre mondiale. « Les enfants conçus durant cette famine ont connu des taux considérablement plus élevés de diabète et de problèmes cardiovasculaires par comparaison aux enfants conçus après la famine. Les changements épigénétiques qui ont affecté les mères ont été transmis aux enfants. Ces changements auraient permis aux enfants de mieux endurer la famine, mais lorsque la nourriture est redevenue abondante, cela a produit des effets secondaires non désirables », raconte le site canadien This is epigenetic.
Ces modifications épigénétiques sont matérialisées par des marques biochimiques présentes sur l’ADN ou des protéines qui le structurent, les histones, qui sont des sortes de bobines autour desquelles s’enroule l’hélice d’ADN. Parmi ces marques, la méthylation de l’ADN, la plus connue, verrouille les gènes, empêchant leur expression. Il existe plusieurs autres mécanismes, mettant notamment en jeu les petites molécules d’ARN et d’autres qui ne sont certainement pas encore connues.
Ces anomalies épigénétiques contribuent au développement de maladies, en particulier les cancers, les modifications épigénétiques intervenant dans la vie des cellules comme lors de la division. « L’altération de ces mécanismes favorisant la transformation des cellules saines en cellules cancéreuses, toute aberration épigénétique peut être impliquée dans la cancérogenèse », indique l’Inserm.
L’épigénétique peut aussi expliquer en partie, bien que les mécanismes à l’œuvre soient encore à l’étude, la survenue de maladie métaboliques, tels que diabète de type 2 ou les maladies cardiovasculaires. Concernant les maladies neurodégénératives, des chercheurs ont identifié une surexpression de gènes qui exacerbent les effets associés à la maladie d’Alzheimer. On soupçonne aussi différentes régulations de nature épigénétique dans la survenue de certaines maladies mentales.
Quant aux traumas, qui peuvent avoir laissé des marques chimiques sur le génome des parents, ils pourraient ainsi être transmis à leurs descendants. Ainsi, des chercheurs ont mis en évidence un marqueur épigénétique chez les rescapés de l’holocauste et leurs descendants, concernant un gène associé à plusieurs troubles mentaux, a relayé le National Geographic. Les changements épigénétiques suscités par un traumatisme pourraient donc se transmettre à l’embryon.
« Imaginons que je vive un événement traumatique, que je ne trouve pas l’aide nécessaire dans la foulée et que je reste donc dans la souffrance, il est probable que je subisse des modifications épigénétiques. Et si je deviens un jour mère ou père, il est possible que mon enfant en hérite avec les conséquences sur la santé mentale qui peuvent aller de pair. Attention, c’est juste une possibilité, car évidemment je n’interviens que pour moitié du matériel génétique au moment de la conception de l’enfant », résumait pour le journal Le Soir, Evelyne Josse, psychologue clinicienne et chargée de cours à l’Université de Lorraine.
À noter : l’épigénétique est aussi porteuse d’espoir. Les changements liés à l’épigénétique pourraient ainsi devenir des cibles thérapeutiques ou permettre d’établir des diagnostics précoces.
Source : Inserm, le Soir, National Geographic, This is epigenetic, Fondation fondamental
Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Hélène Joubert