Salles de shoot : la ferme opposition des médecins
06 février 2013
Le premier centre d’expérimentation sera ouvert à Paris.©Phovoir
L’expérimentation à venir des salles de consommation de drogues inquiète le Conseil national de l’Ordre des Médecins (CNOM). Craignant notamment qu’ « on lève un interdit », ses responsables demandent « le développement d’une politique active de prévention ». Une position qui rejoint notamment celle de l’Académie de médecine, particulièrement ferme sur ce sujet.
Pour les représentants du CNOM, « les toxicomanes sont des patients qu’il convient de prendre en charge ». En conséquence, la création de ces structures ne lui paraît pas susceptible de répondre à cette problématique.
Le CNOM craint donc que l’on « lève un interdit ». Autrement dit, que « l’on cautionne l’injection de produits illicites ». Mais surtout il s’interroge sur la « responsabilité pour le personnel médical présent dans ces centres ». Sont-ils « témoins » ? « Complices ? » Et par ailleurs, comment prodiguer les meilleurs soins « en cas d’overdose, dans l’ignorance totale du produit injecté ? »
Au-delà de l’aspect sanitaire, les médecins abordent également la question du coût. « Dans le contexte économique actuel, le chiffre de 800 000 à 1 million d’euros par centre et par an est avancé. » En conséquence, « tout en préconisant une adaptation de l’existant (réseaux de soins, CAARUD, CSAPA) le CNOM demande instamment le développement d’une politique active de prévention, tout au long du cursus scolaire ».
L’Académie en remet une couche
De son côté, l’Académie nationale de médecine insiste également sur cet aspect financier. « La mise en place expérimentale de salles d’injection contrôlée serait d’un coût élevé : un tel projet ne devrait pas se faire au détriment des actions déjà entreprises et du soutien aux associations de bénévoles œuvrant contre les toxicomanies », explique-t-elle.
Fermement opposée à ce projet d’expérimentation, elle appuie son argumentaire sur les points suivants :
– « les addictions aux substances psycho-actives créent un état de maladie qu’il convient de traiter et non d’entretenir », indique l’Académie. « La priorité doit donc être donnée aux actions visant à aider le sujet dépendant à retrouver la liberté que la drogue lui a ôtée » ;
– « notre pays est doté de structures de soins aux toxicomanes facilement accessibles et en outre susceptibles de délivrer des produits de substitution à l’héroïne », rappelle-t-elle également. « L’efficacité de la politique de réduction des risques mise en œuvre en France (distribution de seringues, traitements de substitution) est attestée par une réduction massive de la contamination des usagers de drogues par le virus HIV (moins de 2% des nouvelles contaminations concernent des toxicomanes). »
Rappelons que ces centres ont pour objectif de « réduire les risques de transmission des maladies, favoriser une réintégration dans la société pour les personnes très précarisées et leur permettre un accès aux autres programmes de soutien comme l’échange de seringues », nous précisait un responsable de la prévention de l’association AIDES en août 2010, lorsque le débat a été introduit en France. Il est aujourd’hui relancé à quelques semaines de l’ouverture de la première salle de shoot, à Paris.
Ecrit par : David Picot – Edité par Emmanuel Ducreuzet