Salles de shoot : le « Oui » des députés
08 avril 2015
L’ouverture des salles d’injection supervisée a un coût : 800 000 euros par an. ©Phovoir
Voilà une quinzaine d’années que dure le débat des salles d’injection supervisée, autrement appelées salles de shoot. Alors que ce dispositif d’accompagnement des usagers de drogues est plébiscité chez nos voisins allemands, belges, espagnols, et suisses, la France vient tout juste de donner son feu vert. Adoptée ce mardi 7 avril à l’Assemblée nationale, l’expérimentation des « salles de consommation de drogue à moindre risque » (SCMR) est prévue pour 6 ans.
Par 50 voix pour et 24 contre, le dispositif des injections supervisées – prévu pour renforcer l’hygiène et la sécurité des usagers de drogues – a été validé par les députés ce mardi. « La communauté médicale s’est emparé de ce sujet depuis le début des années 2000 », rappelle Jean-Pierre Couteron, psychologue clinicien et président de la Fédération Addiction. « Mais c’est en mai 2009 que le débat s’est véritablement lancé, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre les hépatites. » Il aura donc fallu six ans depuis cette date pour que l’article 9 de la loi de Santé soit adopté. Six ans, c’est aussi la durée de l’expérimentation, « un délai suffisant pour évaluer l’efficacité de cet accompagnement spécifique », estime Jean-Pierre Couteron.
Un geste plus encadré
Concrètement, des seringues à usage unique, des compresses stérilisées et des conseils d’hygiène seront délivrés dans des salles aseptisées. La prise en charge individuelle sera effectuée par des professionnels des Centres d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des Risques chez les Usagers de Drogue (CAARUD). Grâce à cette pluridisciplinarité, chacun des entrants pourra, s’il le souhaite, intégrer un parcours de soins pour apprendre à maîtriser, voire réduire, sa consommation de substances illicites.
Des points de désaccord
« Toutes ces mesures font leurs preuves à l’étranger », insiste Jean-Pierre Couteron. En France, une partie de l’opposition y voit un risque de banalisation des injections, notamment auprès du public jeune. « Il s’agit pourtant d’une problématique de santé publique ». En plus d’aider des patients souffrant d’addiction, « encadrer ce geste dans un lieu dédié épargne l’espace public de matériels souillés et de pratiques d’injections peu sécurisées ». C’est pourquoi la ministre de la Santé a insisté sur l’urgence « de prendre en compte des situations qui existent, qu’on les supporte ou pas, qu’on les voie ou pas ».
« Paris et Strasbourg sont à ce jour en première ligne pour l’ouverture des centres pilotes, mais aucune décision n’est encore arrêtée », précise Jean-Pierre Couteron. « Dans plusieurs villes de France, les professionnels des secteurs médicaux, paramédicaux et sociaux (addictologues, infirmiers, éducateurs spécialisés) sont d’ores et déjà formés à la prise en charge de la toxicomanie. Il faut désormais attendre l’aval de leur ville pour organiser à l’échelle locale l’ouverture et la gestion de ces locaux », conclut le président de la Fédération Addiction. La date d’ouverture des premiers centres n’a pas encore été définie.
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Source : Interview du Dr Jean-Pierre Couteron, psychologue clinicien et président de la Fédération Addiction, le 8 avril 2015
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Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Dominique Salomon