Santé au travail : la prévention en manque de données scientifiques

27 février 2019

Le dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) s’intéresse à la santé professionnelle et plus précisément aux risques professionnels. Dans son éditorial, le Pr William Dab alerte sur le manque d’efficacité des politiques de prévention. Selon lui, les travaux scientifiques pour mener des actions productives manquent cruellement à l’appel.  

« La prévention des risques professionnels ne peut pas seulement consister en l’application de règles, de normes et de procédures ». C’est par cette phrase que William Dab, professeur titulaire de la chaire d’Hygiène et Sécurité du Conservatoire national des Arts et Métiers émet son inquiétude vis-à-vis des différentes actions menées en termes de prévention de la santé au travail.

« Depuis une vingtaine d’années, dans tous les domaines de la médecine et de la santé, on promeut des pratiques fondées sur des preuves scientifiques », rappelle-t-il. Or ce mouvement semble se développer moins vite dans le secteur de la santé au travail. En cause, « des risques professionnels en grande partie invisibles. » Or « on ne croit que ce que l’on voit. Du fait du caractère multifactoriel des pathologies, de la longue latence entre les expositions et les maladies, de la difficulté d’estimer l’historique des expositions (…) les risques sont indétectables au niveau individuel. Il ne faut donc pas s’étonner que les médecins du travail ne les détectent pas ».

Vers des investigations collectives

Pour lui, « seule une analyse populationnelle des risques permet de les identifier et de les mesurer ». Pour étayer son propos, il avance l’intérêt de 3 études de cohortes inédites menées sur des travailleurs agricoles et présentées dans le dernier numéro du BEH.

Des travaux qui permettent de dresser plusieurs bilans marquants. Tout d’abord, la forte prévalence des symptômes dépressifs dans le monde agricole. Ensuite, le fait que les salariés agricoles présentent des taux d’asthme plus élevés que les non-salariés. Enfin, plus d’1 million de travailleuses en âge de procréer sont exposées à des solvants oxygénés. « Un résultat inquiétant et méconnu jusqu’à présent », note William Dab.

Pour le scientifique, ces 3 travaux présentent des avantages méthodologiques qu’il faut exploiter (par exemple le fait de privilégier le modèle de cohorte aux études transversales, souvent biaisées). Ces études montrent en effet qu’il est possible de mettre en place des surveillances épidémiologiques et d’en tirer des conclusions concrètes.

Quid des actions à mener ? « Malheureusement, il ne suffit pas d’évaluer des risques professionnels pour savoir comment les prévenir sur le terrain », se désole le Pr Dab. « Il faut que les acteurs, dans les entreprises et dans les services de santé au travail, aient les compétences nécessaires pour comprendre la portée de ces résultats et les traduire en actions. Ce qui n’est pas évident dans un pays qui n’a pas d’école de santé au travail. »

  • Source : BEH, 26 février 2019

  • Ecrit par : Vincent Roche – Edité par : Dominique Salomon

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