Santé mentale : le gaz hilarant efficace contre la dépression ?
22 mars 2024
Le protoxyde d’azote, gaz hilarant, a mauvaise presse. En cause, une hausse de la consommation récréative chez les adolescents et jeunes adultes alors que les risques pour la santé sont potentiellement très graves, voire mortels. Pourtant, il pourrait changer la vie de personnes dépressives, résistantes aux médicaments.
Le protoxyde d’azote, également connu sous le nom de gaz hilarant, est utilisé en milieu hospitalier pour ses effets anesthésiants et anti-douleur. Et selon un article de l’Inserm, publié le 12 mars dernier, il pourrait aussi être efficace dans la prise en charge des personnes dépressives. Mais avant cela, encore faudrait-il que le protoxyde d’azote, notamment disponible dans les cartouches de siphons à chantilly, soit réhabilité. « Le gaz hilarant manque de crédibilité et souffre d’une mauvaise image, tout particulièrement à cause de son utilisation récréative non dénuée de risque », explique l’Inserm.
En effet, celui qui se fait également appeler le proto, dont la consommation s’est amplifiée chez les 15-25 ans ces dernières années, peut causer des effets graves. Entre autres : asphyxie par manque d’oxygène, brûlure par le froid du gaz, des vertiges, une désorientation, une perte de connaissances et des chutes. « En cas de consommations répétées et à intervalles rapprochés et/ou à fortes doses, de sévères troubles neurologiques, hématologiques, psychiatriques ou cardiaques peuvent survenir », note la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca).
Des symptômes réduits après une seule exposition
Mais le protoxyde d’azote serait aussi associé à des effets antidépresseurs. Le psychiatre Thomas Desmidt du CHU de Tours (Indre-et-Loire) les a mis en lumière avec l’équipe iBrain de l’Inserm, grâce à l’imagerie médicale. Ils ont exposé trente femmes, pendant une heure à un mélange gazeux contenant autant d’O2 que de N2O, appelé ‘mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote (Meopa)’, soit la forme la plus commune d’utilisation du gaz hilarant en milieu médical.
Agées de 25 à 50 ans, une vingtaine de ces femmes souffrait d’une dépression résistante aux médicaments, les dix autres étaient des volontaires sans dépression. Résultat : l’exposition au Meopa, administré par masque, a permis de réduire nettement les symptômes de 45 % des patientes. Selon Thomas Desmidt, ces résultats positifs, confirment les précédentes études : « les réponses positives au N2O dans la dépression sont de l’ordre de 20 à 40 %, après une seule exposition au produit ».
Une routine clinique d’ici 4 à 5 ans ?
L’IRM fonctionnelle a montré chez neuf patientes une diminution de la connectivité cérébrale avec des aires du cerveau connues pour s’activer simultanément chez les patients dépressifs. « La séance de Meopa permet ’d’éteindre’ ce réseau cérébral dont l’hyperactivité est synonyme de souffrance dépressive et de ruminations », explique le chercheur. Une méthode par ultrason suggère un lien entre les propriétés vasodilatatrices du protoxyde d’azote et son effet antidépresseur.
Ces résultats encourageants devront encore être validés à plus grande échelle. Restera aussi à fixer le pourcentage de N2O dans le mélange, le temps et le nombre d’exposition… Plusieurs essais thérapeutiques randomisés devraient voir le jour chez des personnes âgées dépressives mais aussi chez des patients qui se présentent aux urgences avec des idées suicidaires. « Dans quatre à cinq ans, nous devrions avoir suffisamment d’éléments en main, je l’espère, pour utiliser le protoxyde d’azote en routine clinique », conclut Thomas Desmidt.
A noter : selon une enquête de 2021, 12,5 % des personnes âgées de 18 à 25 ans avaient vécu un épisode dépressif caractérisé dans les 12 moins qui précédaient le sondage. L’étude soulignait une accélération sans précédent des épisodes dépressifs entre 2017 et 2021. Selon l’Inserm, le trouble dépressif caractérisé concerne environ 15 à 20 % de la population générale sur la vie entière et se caractérise par une succession d’épisodes dépressifs caractérisés. Le risque de suicide est présent chez 10 à 20 % des patients. Près de 30 % des patients sont résistants à toute forme de traitement pharmacologique.