Se reconnecter à son corps pour retrouver du désir
05 août 2021
Connexion sur internet à outrance, recours automatique à la pornographie : ces points nous déphasent de nous-mêmes, de notre corps et de notre désir sexuel. Les précisions de Sébastien Landry, psychosexologue.
« Dans les sociétés de consommation ultra-connectées dans lesquelles nous vivons, il n’est pas étonnant que les gens perdent facilement le contact avec leur corps », décrit Sébastien Landry, psychosexologue et auteur de l’ouvrage Le désir sexuel: Le stimuler, le retrouver, alimenter la flamme ! Principaux coupables :
La sexualité en ligne (cybersexualité) et la pornographie : Les utilisateurs « se déconnectent de leurs sensations, de leurs désirs profonds, car ils se plient aux injonctions diffusées sur ces supports. Ils sont « persuadés d’éprouver du plaisir en visionnant ces scénarios dictés par l’extérieur ». Mais en réalité, « ils s’oublient dans la sexualité. Certaines pratiques sexuelles sont faites pour montrer de quoi ils sont capables à leur partenaire, ou tout simplement pour reproduire ce qui a été vu à l’écran, perçu comme normal ». Ces actes sont souvent déphasés des réels désirs de la personne. Un fait sociétal quand on sait que « chaque seconde dans le monde, 30 000 recherches sont effectuées sur les sites pornographiques » ;
Le souci de la performance prend aussi beaucoup de place, chez les hommes comme chez les femmes. « Certains sont spectateurs de leur rapport sexuel », comme s’ils devaient battre un record en compétition. « Ils prennent du plaisir mais seulement par ce que leur sexualité leur renvoie, pas en lien avec ce qu’ils ressentent vraiment. » Les actes sexuels sont associés à la force, à la puissance, au culte des corps parfaits. « Or le fait de prendre le temps, de cheminer dans le plaisir, dans l’échange, dans la surprise est la clé pour laisser son corps exprimer ses désirs. » Plutôt que de les étouffer comme le font souvent les personnes sujettes au stress de performance. Ces dernières « souffrent en conséquence de dysfonctions sexuelles tant la pression qu’elles se mettent est élevée et qu’elles ne ressentent plus d’excitation sexuelle ». Ce sont « ces mêmes patients qui souvent me décrivent que tout va mieux quand ils sont éméchés ou saouls : dans ce cas, l’alcool les désinhibe sur le moment mais continue de les déconnecter de leur corps ».
Des solutions accessibles !
Bonne nouvelle, se reconnecter à son corps n’est pas aussi sorcier qu’il y paraît. Voici quelques astuces pour y parvenir progressivement :
Explorer votre nudité comme si c’était la première fois. « Sans parler de masturbation, je conseille à mes patients de prendre le temps de s’allonger nu(e) de temps en temps, de partir à la découverte de leur corps, d’exercer des caresses avec sa main ou une plume sans aller directement sur les parties intimes ». L’objectif étant de prendre le temps de « sentir ce qui fait du bien, les zones de frissons, celles qui peuvent écœurer, de réaliser quel regard vous portez sur votre corps » ;
Stimuler l’imaginaire en se masturbant sans vidéo. « Tous les patients qui viennent me voir pour des troubles du désir sexuel ne se masturbent jamais sans leur téléphone. » Une facilité, un réflexe voire une drogue pour certains. Mais le petit écran coupe de la réalité. « Je conseille à mes patients de prendre du plaisir en pensant à des scènes érotiques, faire travailler un peu son cerveau », pour accéder à un désir moins ancré dans le virtuel mais qui vient se loger dans le corps ;
Se poser la question d’être des échappatoires : vous ne pouvez pas vous empêcher de vous connecter à un site pornographique ou d’échanges virtuels ? Vous vous précipitez dans le travail ou sur votre téléphone sans laisser de place à la détente et au lâcher prise ? « Alors ce peut être un motif de consultation pour trouver les motifs de ces situations d’évitement », conclut Sébastien Landry.
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Source : interview de Sébastien Landry, psychosexologue spécialisé en cancérologie, le 4 août 2021 - Le désir sexuel: Le stimuler, le retrouver, alimenter la flamme ! - Sébastien Landry, Éditions In Press; 1er édition (9 septembre 2020), 152 pages
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Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet