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© Fizkes/Shutterstock.com
Selon les données les plus récentes, 77 601 personnes de plus de 10 ans ont été hospitalisées en 2023 pour ce qu’il est convenu d’appeler des « gestes auto-infligés » (GAI). Parmi elles, deux tiers étaient des jeunes filles ou des femmes.
Le phénomène est particulièrement marqué chez les adolescentes : environ 516 jeunes femmes de 15 à 19 ans sur 100 000 ont été hospitalisées en 2023, contre 333 en 2015.
Cette hausse, observable dès 2016, s’est accélérée à partir de 2020 et persiste au-delà de la période post-Covid. Plus inquiétant encore, l’enquête Escapad réalisée auprès des jeunes de 17 ans en 2022 révélait que près d’un quart des adolescentes en France déclaraient des pensées suicidaires au cours de l’année. Environ 5 % rapportaient avoir fait une tentative de suicide les ayant menées à l’hôpital.
Le caractère genré de cette tendance est frappant : chez les adolescents et jeunes hommes, ces indicateurs restent stables. Ce phénomène illustre ce que les chercheurs appellent « le paradoxe du genre » dans les conduites suicidaires : les tentatives sont plus fréquentes chez les femmes, mais les décès par suicide touchent davantage les hommes.
Parallèlement à cette hausse chez les jeunes femmes, on observe une baisse des hospitalisations chez les femmes de 30 à 69 ans. Le second pic d’hospitalisations, autrefois observé chez les femmes autour de la cinquantaine, semble avoir disparu.
L’étude identifie plusieurs facteurs de risque sociaux. Le risque d’hospitalisation des personnes les plus pauvres est presque trois fois supérieur à celui des plus aisées. Les jeunes femmes les plus défavorisées sont hospitalisées entre sept et huit fois plus souvent que les jeunes hommes les plus aisés.
La structure familiale joue également un rôle : les adolescents et jeunes adultes vivant avec leurs parents sont moins susceptibles d’être hospitalisés pour un GAI. À l’inverse, les jeunes « hors ménage » (sans-abri, en internat, résidences sociales, foyers) présentent un taux d’hospitalisation particulièrement élevé. Enfin, les adolescentes vivant avec un parent isolé et les jeunes mères seules sont aussi particulièrement vulnérables.
Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer cette hausse inquiétante chez les jeunes femmes : exposition aux violences sexistes et sexuelles, exposition aux normes de beauté stéréotypées et sexualisation des corps féminins, le tout amplifié par les réseaux sociaux.
« La puberté, qui se manifeste parfois plus violemment chez les filles et semble advenir de plus en plus précocement, constitue une période de vulnérabilité accrue face à ces pressions sociales », note la Drees. D’autres facteurs générationnels comme l’écoanxiété pourraient également jouer un rôle.
Si vous ou l’un de vos proches êtes en détresse et avez eu des pensées suicidaires, vous pouvez contacter le numéro national de prévention du suicide, le 3114. Il est accessible 24h/24 et 7j/7, gratuitement, dans la France entière. Un professionnel du soin, spécifiquement formé à la prévention du suicide, sera à votre écoute.
Source : Drees
Ecrit par : Vincent Roche – Edité par : Emmanuel Ducreuzet