Sur les réseaux sociaux, ces ados en quête d’ésotérisme
23 mars 2022
Il est question d’astrologie, de lithothérapie et autre voyance… Sur les réseaux sociaux, des dizaines de comptes de ce type affichent plusieurs centaines de milliers voire des millions de followers ! Le plus souvent des adolescents ou jeunes adultes. Que dit ce phénomène ?
Sur le plan scientifique, les spécialistes parlent de shifting. Il s’agit en quelque sorte de « changer de réalité », pour explorer des univers alternatifs, mystiques, voire ésotériques, à travers internet et plus particulièrement les réseaux sociaux.
Le phénomène commence à être étudié, à l’image de ce travail publié en octobre 2021, dans la revue Current Psychology. Le Pr Eli Somer de l’Université d’Haïfa (Israël) décrit ce « changement de réalité comme une activité mentale à la mode qui a émergé brusquement suite à la flambée de la pandémie de Covid-19 en 2020. Elle semble être pratiquée principalement par les millenials ». Dans son travail, il prend notamment appui sur l’univers ésotérique d’Harry Potter mais aussi sur l’hypnose et encore la… tulpamancie, sorte d’univers d’amis imaginaires…
Opposition et quête de sens
« C’est effectivement un phénomène que nous constatons », souligne le psychologue suisse Niels Weber, spécialiste de l’hyperconnectivité. A ses yeux, il répond à deux besoins principaux. Le premier est inhérent de l’adolescence : « on se cherche. On cherche du sens, on découvre par soi-même après une période d’enfance au cours de laquelle nous étions guidés par les parents. Il peut s’agir d’accorder du crédit à des choses différentes de ce que l’on nous a expliqué jusqu’alors ». Une opposition aux parents donc couplée à un second besoin qui concerne « une perte de confiance envers les institutions, les médias. Et de fait, une difficulté à se raccrocher à des pensées collectives, laissant libre court aux interprétations personnelles afin de donner du sens ».
Une mise en danger ?
Du côté des parents, le rapprochement de son enfant vers une forme d’ésotérisme et autres approches occultes peut constituer une source d’interrogations, sinon d’inquiétudes… « Certes », reprend Niels Weber, « nos ados peuvent se retrouver en face de gourous, potentiellement dangereux, qui profitent de la crédulité de followers ». Pour un père ou une mère, la question à se poser est la suivante : « mon ado est-il ou se met-il en danger ? », poursuit-il, référence à un danger physique, psychologique voire financier. Pour en avoir le cœur net, la clé se situe encore une fois dans l’échange, dépassionné : « raconte-moi ce que cette personne te dit ? En quoi est-ce important pour toi ? ». L’idée est de comprendre. Pas de juger. Car à ses yeux, l’erreur serait « d’y aller avec un pied de biche en lui disant qu’il fait n’importante quoi lorsqu’il s’intéresse à des sujets comme la lithothérapie ou la voyance. Ça, c’est l’échec assuré ». Rien de mieux pour couper court à tout dialogue…