Syndrome de fatigue chronique: une pathologie en mal de reconnaissance
31 août 2018
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Imaginez qu’un jour, une fatigue importante vous frappe. Du jour au lendemain, vous ne pouvez plus faire le moindre effort. Conduire ou vous concentrer sur un film est devenu une épreuve. C’est ce que ressentent les patients touchés par le syndrome de fatigue chronique. Une pathologie qui, si elle est reconnue par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), peine à être prise au sérieux en France. Rencontre avec 3 patients pris en charge au CHU d’Angers.
Ludivine (26 ans), Jérôme (41 ans) et Joeren (44 ans) partagent un même mal. Un jour, sans prévenir, leur corps les a lâchés. Une fatigue inhabituelle qu’aucune batterie de tests n’a pu expliquer. « C’est dans votre tête » ont fini par leur envoyer en pleine face certains professionnels de santé. Heureusement, au service de médecine interne du CHU d’Angers, ils ont trouvé des réponses aux questions qu’ils pouvaient se poser. Ils ont surtout pu mettre un nom sur leur souffrance : encéphalomyélite myalgique, plus connue sous le nom de « syndrome de fatigue chronique ».
« Il s’agit en fait d’une intolérance au moindre effort », explique le Dr Alla Ghali du CHU d’Angers. « Imaginez une fatigue constante, qui vous fait perdre plus de 50% de vos capacités antérieures. C’est ça le syndrome de fatigue chronique ». Et les conséquences sur la vie de tous les jours sont gravissimes : le sommeil ne joue plus son rôle réparateur, le moindre effort est synonyme de malaise, une intolérence au bruit et à la lumière… Sans oublier, à plus ou moins long terme, des atteintes cognitives, immunitaires (le moindre symptôme grippal peut traîner…), cardiologiques, un risque accru de dépression, de suicide…
Côté explications, pour le moment seules des hypothèses peuvent être émises. « On sait qu’il y a une prédominance féminine et que ce syndrome touche un public jeune», continue le Dr Ghali. « Un terrain infectieux, comme les suites d’une mononucléose infectieuse, ou des facteurs environnementaux sont parfois évoqués. »
Pour ce qui est de l’évolution de la maladie, les symptômes s’atténuent progressivement au fil des mois. La fatigue disparaît habituellement au bout de quelques années. Chez certains malades, la fatigue est toutefois fluctuante dans le temps, avec des périodes d’amélioration et des périodes d’aggravation.
Problème, si cette pathologie est reconnue par l’OMS depuis 1992, elle ne trouve que des échos confidentiels en France ! C’est comme si elle n’existait pas. Même certains médecins doutent de sa véracité. Seuls 5 centres en France la prennent en charge : à Angers donc, mais aussi à Lyon, Marseille, Nancy et Paris.
Des patients laissés sur le bord de la route
Pour Jérôme la maladie s’est déclarée il y a un an. Gérant d’un bar à tapas, ses journées sont des plus rythmées. Mais une énorme fatigue est venue le stopper net. Il est alors baladé de service en service. On évoque entre autres une apnée du sommeil, puis des problèmes psychologiques. Il aura fallu attendre un malaise pour qu’on le prenne au sérieux et que soit enfin évoquée l’encéphalomyélite myalgique. Depuis, son quotidien a changé. « J’ai pris 25 kg et je rencontre des difficultés financières », nous explique-t-il démuni. En effet, la maladie n’est pas reconnue comme une affection longue durée et la reconnaissance de l’invalidité est souvent rejetée.
Les parcours de Ludivine et de Joeren ne sont pas si éloignés de celui de Jérôme. La première est passée par les malaises, une perte de poids, des hospitalisations… Le second a aussi connu l’errance thérapeutique avant d’être diagnostiqué au bout de 6 mois.
Tous ont appris à vivre autrement. « Apprendre », c’est le maître-mot. Dans la mesure où il n’existe pas de traitement spécifique, « il est important de mettre en place une éducation thérapeutique », avance le Dr Ghali. « Plusieurs mesures doivent aider à maintenir la capacité musculaire en dépit du manque d’activité physique, et pour apprendre à mieux vivre avec la fatigue. Par ailleurs une thérapie cognitive et comportementale peut améliorer le bien-être général. »
Vous l’aurez compris, le syndrome de fatigue chronique est un combat. Un combat pour vivre avec mais aussi une lutte pour une meilleure connaissance. Du grand public tout d’abord. « Pour ne pas être considérés comme des fainéants », lancent les 3 patients. Mais aussi des autorités pour obtenir plus d’écoute et d’aides.
Pour en savoir plus, consultez l’Association française de syndrome de fatigue chronique.
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Source : Reportage au CHU d’Angers, juillet 2018
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Ecrit par : Vincent Roche – Edité par : Dominique Salomon