Tatouage : est-ce que ça fait mal ?
23 septembre 2024
Le dermatologue Nicolas Kluger, lui-même tatoué, est responsable de la seule consultation dermatologique de France pour les tatoués, à l’hôpital Bichat (Paris). Dans son livre « Mon tatouage et moi »*, il répond à tout ce que vous avez voulu savoir sur les tatouages, ce phénomène qui touche 20 % des Français. Dont une question récurrente : est-ce que ça fait mal ?
Pourquoi le tatouage peut-il être douloureux ?
Dr Nicolas Kluger : Il l’est car il implique l’utilisation d’une aiguille contenant de l’encre qui perce la peau, pénétrant le derme à une cadence qui peut aller jusqu’à 10 000 impacts par minute… Soit 166 par seconde ! Ce geste stimule les fibres nerveuses responsables de la sensation de douleur et entraîne une réaction inflammatoire.
La douleur aiguë provoquée par le tatouage disparaît rapidement après la séance, bien qu’une légère sensibilité au toucher puisse persister pendant quelques heures en raison de l’inflammation. Si une douleur au toucher dure, cela pourrait indiquer une infection bactérienne au niveau de la peau. Mais elle est généralement accompagnée d’autres symptômes (fièvre, de frissons, pus, rougeur étendue…). Dans de très rares cas, certaines personnes rapportent des douleurs persistantes après la cicatrisation du tatouage, sans cause apparente. Il est possible que les nerfs soient irrités par certains pigments. Ces douleurs dites « neuropathiques » restent exceptionnelles.
Quels sont les facteurs qui influencent la douleur lors du tatouage ?
Le geste du tatoueur influence l’intensité de la douleur. Le remplissage où plusieurs aiguilles sont utilisées, est plus douloureux que l’utilisation d’une seule aiguille (contour). Cependant, si le tatoueur repasse sur une zone déjà tatouée, cela intensifie la douleur du fait de l’œdème et de l’inflammation du derme. C’est souvent ce qui rend les dernières minutes de la séance plus difficiles à supporter.
L’expérience et la technique du tatoueur jouent aussi un rôle. Certains tatoueurs ont une “main plus légère”. La localisation du tatouage joue aussi : certaines zones sont plus douloureuses à tatouer, notamment là où la peau est fine (face interne des bras et le dos des pieds et des mains) ou près des os, comme les coudes, les genoux ou les crêtes iliaques.
Certains décrivent la sensation comme un léger claquement d’élastique sur la peau
En effet, mais cela dépend de la tolérance de chacun. La douleur peut être moins intense que prévue, ou à l’inverse, plus forte. Bien que subjective, la douleur liée au tatouage est bien réelle et ressemble davantage à une gêne provoquée par la répétition des impacts des aiguilles.
On dit souvent que la douleur croît avec le nombre de tatouages, est-ce vrai ?
Pas forcément. Lors d’un premier tatouage, le cerveau n’a pas le référentiel « douleur liée aux tatouage ». Ce premier tatouage sert donc de point de repère pour les suivants. Avec l’expérience, le cerveau reconnaît et anticipe le stimulus, ce qui peut rendre les séances plus supportables. Cependant, certaines personnes deviennent paradoxalement plus sensibles à la douleur avec le temps : le cerveau, en identifiant plus rapidement les signaux, intensifie la perception de la douleur. De plus, la douleur tend à diminuer au cours de la séance, probablement grâce à la baisse de l’anxiété et à l’habituation progressive des fibres nerveuses.
On peut être tatoué de la tête aux pieds et ne pas supporter une prise de sang…
C’est vrai ! La douleur est subjective et liée à la motivation. Comparer la douleur d’un tatouage à celle d’une prise de sang ou d’un accouchement n’a donc pas de sens, car la motivation derrière ces situations est différente. Lors d’un tatouage, la douleur peut être sublimée par l’envie personnelle ou esthétique, alors qu’une prise de sang est perçue comme une douleur purement fonctionnelle, sans bénéfice émotionnel.
Est-il possible de tester la douleur du tatouage en se faisant tatouer “à blanc” (sans pigments) ?
Désolé, non, car cela ne reproduit pas l’expérience réelle. Se faire tatouer implique nécessairement de la douleur, qui fait partie intégrante de l’expérience. C’est une épreuve personnelle, un moyen de se dépasser et de tester ses propres limites. Même si certains cherchent à atténuer cette douleur avec des anesthésiques, cela enlève une dimension essentielle au processus.
Est-il possible d’utiliser des anesthésiants ?
Les tatoueurs n’utilisent jamais d’anesthésiques locaux ou injectables, car ceux-ci modifient la texture et l’apparence de la peau, compromettant ainsi le résultat du tatouage.
Que conseillez-vous cependant pour limiter la sensation douloureuse ?
En cas de stress, il est possible de prendre un anxiolytique léger et naturel avant le rendez-vous (comme l’aubépine ou la valériane), écouter de la musique qui nous plait pour moduler la perception de la douleur, ou pratiquer des exercices de visualisation, de méditation ou d’autohypnose avant ou pendant la séance. Il est également essentiel de bien dormir. Sortir la veille et consommer de l’alcool n’est pas une bonne idée, car cela fatigue l’organisme, réduisant ainsi la tolérance à la douleur.
Pour en savoir plus : Les tatouages et la santé : les réponses d’un expert
* MON TATOUAGE ET MOI/ Nicolas KLUGER Avec la collaboration d’Alexandra Raillan (Edition Vuibert, septembre 2024)
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Source : Interview du Dr Nicolas Kluger, dermatologue à l’hôpital Bichat (Paris), auteur de MON TATOUAGE ET MOI/ avec la collaboration d’Alexandra Raillan (Edition Vuibert, septembre 2024)
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Ecrit par : Hélène Joubert – Edité par : Emmanuel Ducreuzet