Tétraplégie : la force mentale au bout des doigts

14 avril 2016

Patient tétraplégique âgé de 24 ans, Ian Buckart a retrouvé une mobilité partielle de sa main. Une prouesse dans le monde de la neuroscience. Grâce à des électrodes implantées dans son cerveau, le jeune américain peut commander ses mouvements par la simple force de ses pensées. Une capacité survenue deux ans après son intervention chirurgicale.

Un patient tétraplégique retrouve sa sensitivité, remue ses doigts et parvient à jouer à un jeu vidéo … il y a quelques années encore cette avancée aurait fait bondir plus d’un scientifique. Pourtant, cette technique vient de redonner espoir à Ian Buckart, tétraplégique depuis 2010. Date à laquelle « son autonomie s’est envolée », explique le jeune homme originaire de Dublin (Ohio, Etats-Unis), victime d’une fracture de la colonne vertébrale après avoir plongé en mer dans une eau peu profonde.

Penser… bouger

Pour parvenir à cette prouesse – une première dans le monde réalisée par le Pr Chad Bouton* – Ian a mené à rude épreuve ses capacités de concentration. En effet, avant de pouvoir prendre un verre d’eau à la main, mélanger son café à la petite cuillère ou saisir une manette pour jouer à la console, le jeune patient a été opéré pour une implantation d’électrodes dans le cerveau en 2014. A raison de 3 séances par semaine, ce dernier s’est entraîné à décomposer l’ensemble des gestes au niveau cérébral.

Grâce à la stimulation par la pensée, la décomposition de ces mouvements au détail près s’est acheminée jusqu’à la puce électronique implantée dans son cerveau. Ces électrodes localisées dans le cortex moteur ont ensuite transformé les « données pensées » en message électrique envoyé à une prothèse fixée sur le bras. Un processus à l’origine de la stimulation des muscles et donc du mouvement. Ainsi Ian a-t-il retrouvé une part de sa motricité fine : « ses doigts sont capables de mouvements isolés. Au total, la réalisation de six gestes du poignet et de la main est effective », explique l’équipe du Pr Bouton.

« Au départ, la pose des électrodes m’ont donné mal à la tête et la prothèse du bras me gênait », explique Ian. Mais aujourd’hui ces sortes de greffes sont associées « à un prolongement de mon corps », raconte-t-il. Seul inconvénient, tout ce dispositif n’est pas transportable à domicile, il peut seulement être actionné en laboratoire. « Je ne demande pas à pouvoir remarcher. Mais retrouver l’usage de mes mains en dehors d’une structure médicale serait un vrai plus pour mon autonomie au quotidien », souligne Ian.

La neuroscience en avant !

Cette technique, « encore réservée à une minorité de patients », est une première chez l’homme. La possibilité de rééducation motrice nourrit l’espoir des scientifiques. « A la vue de ces résultats, il se peut que le degré de gravité des dégradations neuronales jusqu’ici associées au traumatisme de la colonne vertébral ne soit en fait pas aussi fatal que l’on pouvait l’imaginer, donc réversible ». Une position partagée par une équipe de chercheurs britanniques. « Le rétablissement de ces circuits neuronaux et musculaires présentent une nette avancée dans la prise en charge de la paralysie », explique le Pr Andrew Jackson (Université de Newcastle, Royaume-Uni), médecin travaillant sur la mise au point d’une prothèse neural implantée à des patients également victimes d’un traumatisme de la moelle épinière.

*Feinstein Institute for Medical Research in Manhasset (New York)

  • Source : Revue Nature, 13 avril 2016

  • Ecrit par : Laura Bourgault : Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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