Toussaint : 4 questions autour des 5 étapes du deuil
31 octobre 2022
Déni, colère, marchandage, dépression, acceptation. En cette veille de la Toussaint, penchons-nous sur les « cinq étapes du deuil », un modèle longtemps admis et aujourd’hui remis en question.
Lorsque l’on vient de perdre une personne chère, jeune ou moins jeune, brutalement ou des suites d’une longue maladie, après les éventuelles démarches administratives et les obsèques, vient le temps du deuil. On dit communément qu’il dure environ un an. Et lorsque l’on cherche à se renseigner, sur Internet, pour mieux comprendre ce processus, on tombe très vite sur « les cinq étapes du deuil ».
De quoi s’agit-il ? C’est un modèle popularisé par la psychiatre américano-suisse Elisabeth Kübler-Ross, dans son livre « Les derniers instants de la vie », publié en 1969. Les « cinq étapes » – déni, colère, marchandage, dépression, acceptation – correspondent, selon elle, aux émotions successivement ressenties par des malades en phase terminale, avant leur décès. Basé sur une série d’études de cas, ce modèle des cinq étapes s’est très largement diffusé, avec une transposition des personnes en fin de vie aux personnes endeuillées.
A quoi correspondent ces étapes ? Après la mort viendrait donc le déni ou le stade du choc et de l’incrédulité, puis la colère et la recherche d’un responsable, puis la phase du marchandage durant laquelle l’endeuillé tente de nier ou de minimiser la réalité, puis un stade d’abattement et de retrait caractérisé par la dépression, et enfin l’acceptation, qui conduit à la « résolution » du deuil.
Pourquoi ce modèle est-il remis en question ? De nombreux travaux ont été menés pour tenter de valider scientifiquement ce modèle, avec des résultats contrastés. Certains experts lui reprochent en outre son caractère rigide et systématique : ces étapes se succéderaient les unes aux autres, dans un ordre précis. Dans un autre ouvrage paru en 2005, Elisabeth Kübler-Ross finit par préciser : « jamais il n’a été question de diviser l’évolution d’un processus complexe en paliers clairement distincts les uns des autres (…) Tout le monde ne passe pas forcément par ces cinq étapes et les réactions ne suivent pas toujours le même ordre ». Reste que ce concept est toujours bien ancré, dans certaines études et pour le grand public, avec pas moins de 2,5 millions d’occurrences dans le Google français (et plus de 20 millions pour une requête en anglais).
Est-il possible de réduire le deuil à un modèle ? Dans un article publié dans le Journal de thérapie comportementale et cognitive en 2018 et intitulé « Les stades du deuil n’existent pas », le psychiatre français Alain Sauteraud cite une étude solide qui a montré que « l’émotion principale et spécifique du deuil est l’état de manque du défunt », et qu’elle est maximale au cours des six premiers mois. Il précise aussi que « l’incrédulité, quand elle existe, a tendance à précéder de quelques jours l’état de manque. Si l’on observe la colère, elle s’exprime plutôt avant la dépression, quand elle existe. L’acceptation, quant à elle, referme la marche des sentiments, ce qui semble logique ». Mais, ce qu’il faut surtout retenir, c’est que « la majeure partie du temps du deuil, tous ces sentiments cohabitent et se chevauchent ». Le deuil n’est donc pas réductible à un modèle, et dépend de chacun.
A noter : Certaines pertes, celles d’un enfant ou celles qui surviennent à l’occasion d’un attentat, par exemple, peuvent compliquer le processus de deuil en raison de leur portée traumatique. Parlez-en à votre médecin.