Troubles de l’équilibre : de l’espace à la Terre
19 janvier 2017
Raimundas/shutterstock.com
Lié à l’absence de gravité, le mal de l’espace agirait sur l’oreille interne. Une hypothèse sur laquelle se penchent aujourd’hui des chercheurs au CHU de Caen. Mais à quel point les travaux menés au sein de la station spatiale internationale (ISS) font-ils avancer la recherche sur Terre ?
« Des techniques dites de désensibilisation sensorielle aident aujourd’hui à prévenir les vertiges et les nausées ressentis en cas de mal des transports (en bateau ou en voiture) », explique le Pr Stéphane Besnard*, chercheur au CHU de Caen. Une sorte de prévention du mal par le mal, comme un vaccin immunisant contre des maladies infectieuses. Concrètement les conditions d’un malaise sont recréées, autrement dit la désorientation et la perturbation des signaux émis à l’oreille interne.
Par analogie, l’équipe du CHU de Caen, mobilisée pour mieux comprendre l’implication de l’oreille interne dans le mal de l’espace, mène actuellement de nouvelles expérimentations. Dans un laboratoire de réalité virtuelle, les conditions de vol dans l’espace sont recréées via le test BEd-Rest. Ce dernier consiste « à allonger les volontaires dans un lit incliné de 6°, la tête vers le bas, pour reproduire le mécanisme des fluides vers le haut du corps, caractéristique de la microgravité ». Alternant des phases de microgravité et d’hypergravité effectuées en avion, les vols paraboliques permettent aussi de récréer quasiment les mêmes conditions d’apesanteur caractéristiques d’une mission spatiale. Lors de ces paraboles, des tests de repère dans un labyrinthe 3D sont soumis aux volontaires pour évaluer les fonctions cognitives.
Élargir le champ de la recherche
Ces travaux pourraient servir à la prévention du mal de l’espace. Mais participent aussi à l’avancée scientifique sur Terre. Ils entrent en effet dans le champ de l’étude des perturbations de l’équilibre… sur Terre. Ces troubles dits vestibulaires représentent aujourd’hui le troisième motif de consultation en médecine générale mais restent mal connus. « Seuls une quinzaine de spécialistes exercent en France dans le diagnostic de ces perturbations contre lesquelles il n’existe aujourd’hui aucun traitement », note le Pr Besnard.
Et pourtant, les troubles du système vestibulaire pourraient bien être caractéristique de plusieurs pathologies associant une fragilité de l’équilibre, des capacités d’orientation et/ou des fonctions cognitives. Preuve en est, « chez des souris, l’ablation du système vestibulaire provoque des symptômes présentant de nettes analogies avec la schizophrénie et l’autisme », explique Stéphane Besnard. « A la croisée des neurosciences, de la psychologie et de la psychiatrie, les thérapies sensorielles comme sources de stimulation du système vestibulaire pourraient constituer une approche efficiente dans les années à venir. En plus de la schizophrénie et de l’autisme, la prise en charge de la maladie d’Alzheimer caractérisée par des troubles de l’orientation serait aussi concernée. »
* Médecin chercheur spécialiste des explorations fonctionnelles et vestibulaires au CHU de Caen INSERM 1075 « COMETE Mobilités : Attention, Orientation et Chronobiologie » (Caen)
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Source : Interviews des Pr Stéphane Besnard, Unité INSERM 1075 « COMETE Mobilités : Attention, Orientation et Chronobiologie » (Caen), et Pierre Denise Unité INSERM 1075 « COMETE Mobilités : Attention, Orientation et Chronobiologie » (Caen) Président de l'Université de Caen, le 12 janvier 2017
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Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet