Un autre regard sur les maisons de retraite
15 novembre 2018
Apporter un regard bienveillant sur les maisons de retraite : telle est l’ambition de Valérie Mollière, auteure de l’Âge Fragile, qui signe son premier livre, un ouvrage touchant et teinté d’humour. Rencontre avec une professionnelle passionnée et engagée.
Infirmière coordinatrice au sein d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), c’est peu dire que Valérie Mollière connaît son sujet. Dans son premier ouvrage, elle raconte avec douceur et malice le quotidien d’une maison de retraite. Elle revient sur son travail, ses rencontres avec les résidents, leurs histoires, leurs doutes mais aussi leurs joies.
Au fil des pages, elle dresse le portrait de personnes qui l’ont marquée : Jacqueline au sommeil fragile, Marguerite à la mémoire trouble, Valentine la bavarde, Fernand l’incorrigible optimiste.
Son leitmotiv : expliquer, montrer, raconter le quotidien de ces personnes âgées. Avec une plume respectueuse. Valérie Mollière n’oublie pas les équipes, « ces inconnus magnifiques » qui œuvrent, chaque jour, avec constance et fidélité, à accompagner nos anciens dans leur dernier parcours de vie.
Son récit se veut à la fois lucide et sans complaisance. Bien sûr, il est question de dépendance, de solitude, de souffrance, de désir de mourir mais le lecteur est invité à porter un regard bienveillant sur ces lieux de vie et leurs résidents.
–D’où vous est venue l’idée de ce livre ?
La décision d’entrer en maison de retraite est difficile à prendre, parce qu’elle induit des pertes et des renoncements. Elle se heurte également à des images négatives, notamment véhiculées par les médias. En tant que professionnelle du soin exerçant dans ces établissements, il me tenait à cœur d’ouvrir les portes de ces institutions afin de partager ma vision, pour que les gens puissent se forger une autre opinion.
– Comment se vit le quotidien en maison de retraite ?
C’est un quotidien fait de joies et de peines, de labeur, où cohabitent des personnes en perte d’autonomie, fragiles, vulnérables. Mais ce n’est pas parce que des personnes habitent dans une maison de retraite qu’ils sont en retrait de la vie. Le quotidien ne se décline pas seulement autour des soins, des repas mais aussi des animations et des sorties qui les mettent sur « le tapis roulant de la vie ».
– A travers votre livre, vous parlez du vécu de soignants en EHPAD. Qu’est-ce qui les anime ?
Travailler au sein d’un EHPAD requiert d’aimer la vieillesse, d’aimer entourer, protéger et accompagner les personnes âgées vulnérables. Cela nécessite aussi de pouvoir nouer avec eux des relations sur la durée et de s’enrichir de ces relations. Beaucoup de professionnels que j’ai côtoyés m’ont fait part du plaisir qu’ils avaient à apprendre de nos aînés, qui sont porteurs d’histoires de vie parfois extraordinaires.
– Quelles répercussions le regard critique des médias a-t-il sur votre travail au quotidien ?
Les reportages télé impactent notre motivation et notre fierté de soignants. Ils nous affectent, nous font nous sentir coupables voire honteux alors que nous ne nous reconnaissons pas dans les situations évoquées. Ces critiques récurrentes sabordent les initiatives et découragent les plus professionnels. Or nous avons besoin d’être valorisés, reconnus pour être en capacité d’accompagner les personnes âgées vulnérables. Commençons par regarder la vieillesse en face et à nous y intéresser car cela nous concerne tous de savoir comment nous vivrons nos dernières années.
L’Age Fragile, récit de Valérie Mollière, Editions Ateliers Henry Dougier, 14 euros.
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Source : interview de Valérie Mollière, 4 novembre 2018
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Ecrit par : Emmanuel Ducreuzet – Edité par : Dominique Salomon