Vers une réhabilitation des acides gras saturés ?

20 mars 2014

Accusés de tous les maux dans les années 60, les acides gras saturés, dont nous fabriquons une bonne part, sont essentiels au bon fonctionnement de notre organisme. Au cours d’un atelier consacré à la nutrition dans le cadre du 24e salon de gynécologie et obstétrique pratique, à Paris, le Pr Philippe Legrand a même plaidé pour l’introduction des matières grasses laitières dans les laits infantiles. Mais si !

« Les acides gras saturés ne peuvent plus être considérés comme une entité unique », assure le Pr Legrand. « Nous devons aujourd’hui les penser en termes de sous-groupes. Ils sont présents dans les produits laitiers, les viandes, mais également dans les graisses végétales. Tous les mammifères en fabriquent, notamment à partir du sucre et des amidons ».

Dans les années 1960, les acides gras pris dans leur ensemble ont été accusés de favoriser les maladies cardiovasculaires. « Cette vision a été exagérée », reprend le médecin. « En 2010 et 2013, des méta-analyses ont démontré qu’il n’y avait pas de preuves que les acides gras augmentaient le risque de ces affections ». En revanche, comme c’est bien souvent le cas en matière de nutrition, l’excès est néfaste.

De la matière grasse dans les laits infantiles ?

Plus précisément l’excès en certains acides gras saturés. « Comme l’acide myristique (C14) et l’acide palmitique (C16) », explique le Pr Legrand. « Mais à doses raisonnables, ils participent entre autres à l’acylation des protéines, leur permettant d’être actives dans la cellule. D’autres comme les C6, C8 et C1 présents dans le lait caprin ont un rôle antiviral et même un effet hypocholestérolémiant. Bref, tous les acides gras saturés ont des fonctions spécifiques très importantes dans la cellule ».

Autant d’arguments scientifiques qui poussent le Pr Legrand à s’interroger sur l’éviction de la matière grasse laitière des formulations infantiles. « Elles n’auraient jamais dû être enlevées des laits infantiles. L’important c’est de mimer au maximum le lait maternel ». Il estime enfin utile d’ajouter à ces préparations de l’acide docosahexaénoïque (DHA). « Le plus efficace pour la santé des nourrissons, en dehors du lait maternel bien sûr, repose sur une préparation associant les matières grasses du lait et du DHA ».

En guise de conclusion, le Pr Legrand estime plus qu’urgent de lutter contre ce qu’il appelle « la dénutrition choisie, autrement dit l’éviction de telle ou telle catégorie d’aliments. Certains parents mettent en danger la vie de leurs enfants en agissant de la sorte ! Malheureusement les idées reçues restent tenaces ».

  • Source : 24eme salon de gynécologie et obstétrique pratique, 19-21 mars, Parsi – Interview du Pr Philippe Legrand, 20 mars 2014

  • Ecrit par : Emmanuel Ducreuzet - Edité par : David Picot

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