Victimes de harcèlement sexuel : faut-il être blanche, jeune et jolie pour être crue ?
14 janvier 2021
Le harcèlement sexuel ne concernerait que les femmes blanches, jeunes et jolies, ou du moins celles répondant à certains clichés de la féminité. Cette idée reçue semble bien ancrée dans les mentalités. La preuve : le constat réalisé par des chercheurs de l’Université de Washington au cours de leur récente étude.
Jeune, blanche, féminine, attirante et même faible et incompétente. Voilà le portrait caricatural de ce que doit être une victime de harcèlement sexuel. Par opposition, les femmes ne répondant pas à ces critères ne peuvent pas réellement être la cible de ces comportements réprimés par la loi. C’est l’idée préconçue largement partagée dans l’esprit de la population, selon un travail menée par Jin Goh du Colby College (Maine) and Nathan Cheek de la Princeton University (New Jersey).
Inspirés par le mouvement #MeToo médiatisé en 2017 par les accusations de viol et de harcèlement sexuel à l’encontre du producteur d’Hollywood Harvey Weinstein, les auteurs se sont interrogés sur le degré de crédibilité des victimes, en fonction de leur apparence notamment.
Pour ce faire, ils ont mené plusieurs expériences auprès de 4 000 participants. Par groupes, ils se sont prêtés à divers exercices, comme celui de dessiner le portrait d’une femme susceptible d’être victime de harcèlement sexuel selon eux, ou encore d’identifier parmi plusieurs personnes laquelle pourrait en souffrir.
Pas crues donc réduites au silence
Le constat est clair et inquiétant : les participants associent les victimes de harcèlement sexuel à un prototype de femme. Par conséquent, celles ne correspondant pas à ce cliché avaient moins de chance d’être crues. Pire, les participants avaient davantage tendance à estimer que, même si ces femmes avaient vraiment souffert de harcèlement, leur bourreau méritait moins d’être puni…
Globalement, les auteurs estiment que leurs découvertes illustrent la manière dont la loi protège – ou non – les citoyennes et les citoyens. « Si les perceptions concernant la probabilité pour telle ou telle femme d’être victime de harcèlement sexuel est biaisée, la prise en charge de sa plainte et les résultats d’un éventuel procès, en seront affectés », assurent les auteurs. « Si elles ne sont pas crues, les victimes sont alors littéralement réduites au silence. »
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Source : Journal of Personality and Social Psychology, janvier 2021
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet