Vincent Lambert : le feu vert de la CEDH pour l’arrêt des traitements

07 juillet 2015

La Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a rejeté ce lundi 6 juillet la demande de révision adressée par les parents de Vincent Lambert. Défenseurs du maintien en vie de leur fils, ces derniers souhaitaient un retour en arrière sur l’arrêt du 5 juin. Voté à 12 voix contre 5, il invoquait l’arrêt des soins. La décision finale du maintien ou non des traitements revient à présent à l’équipe médicale en charge de Vincent Lambert. Mais cet arrêt de la CEDH renforce le cadre législatif  sur les questions de fin de vie. Les précisions de Nicolas Hervieu,  juriste au Centre de recherche et d’études sur les droits fondamentaux (Université Paris-Ouest).  

Corroborant l’arrêt du Conseil d’Etat rendu en 2014, la CEDH s’était prononcée le 5 juin en faveur de l’arrêt des soins de Vincent Lambert. Soit de mettre un terme aux processus d’alimentation et d’hydratation. La Cour estimait alors que cette décision n’allait pas à l’encontre du droit à la vie du patient. Mais le 24 juin dernier, les parents ont contesté cette décision en décrivant une amélioration de l’état de santé de leur enfant. « Les éléments que les requérants (les parents) invoquaient (…) ne constituent pas des faits nouveaux susceptibles d’exercer une influence décisive », vient de trancher la CEDH.

Que va changer la décision de la CEDH ?

Nicolas Hervieu : « La portée de l’arrêt Lambert est importante. Depuis les années 2000, la Cour Européenne des Droits de l’Homme s’est prononcée une dizaine de fois seulement sur une question de fin de vie. Et dans chacun des cas, la volonté émanait du patient lui-même. Jamais la Grande Chambre, instance la plus solennelle de la CEDH, n’avait été saisie par une famille souhaitant le maintien ou même l’arrêt des traitements d’un malade.

L’arrêt Lambert est définitif. Il va faire jurisprudence. Mais la CEDH ne met en place ni obligation, ni interdiction pour les Etats de prévoir des procédures de fin de vie. Le maintien ou non des traitements concernant Vincent Lambert n’est pas imposé par la cour. Ce « champ des possibles » vient faciliter les prises de décision en matière de fin de vie. Et donne un cadre aux 47 Etats membres du Conseil de l’Europe confrontés à ces situations.

Il n’y a donc pas de loi européenne sur la fin de vie ?

N.H : Non. La CEDH a tranché en s’appuyant sur le droit à la vie, article 2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, du droit à la vie privée et du droit à l’autonomie personnelle. Mais au regard des différentes législations nationales, il n’existe pas de consensus européen. L’enjeu est trop complexe concernant ces questions de vie qui diffèrent selon chaque patient.

Plongé dans le coma, Vincent Lambert ne peut pas exprimer ses volontés. Ce qui n’a pas empêché la Cour de trancher…

N.H : En effet, la Cour a évalué le cadre de la loi Leonetti, plus particulièrement la prise en compte des volontés du patient et des proches. Dans ce cas précis, le patient n’est pas en mesure de se prononcer, et les désaccords familiaux sont importants. Mais les autorités françaises et européennes ont estimé qu’il existait suffisamment d’éléments pour identifier le consentement de Vincent Lambert contre l’acharnement thérapeutique. Sa femme, une partie de ses proches ont ainsi partagé cette position. Dans le cas où le consentement du patient n’est pas explicite, et qu’aucune preuve de l’avis du malade n’est apportée par son entourage, le processus de fin de vie n’est évidemment pas enclenché.

De l’arrêt législatif au lit de Vincent Lambert, que va-t-il se passer dans les semaines à venir ?

N.H : « La loi Leonetti prévoit que seul le corps médical peut intervenir pour décider de l’arrêt des traitements. Les corps politique ou administratif n’ont pas de pouvoir à ce niveau. Aujourd’hui tout dépend de la position du médecin de Vincent Lambert. S’il souhaite suivre la procédure du Dr Eric Kariger, premier médecin en charge du patient et défenseur de la cessation de l’hydratation et de l’alimentation, il n’y aura plus d’obstacle à la procédure de fin de vie.

Seule une expertise médicale avérant une amélioration de l’état de santé de Vincent Lambert pourrait déboucher sur le maintien des traitements. Rappelons que le caractère irréversible de l’état de santé de Vincent Lambert a fait l’objet d’un diagnostic collégial par trois experts en neurosciences, en février 2014.

  • Source : Interview de Nicolas Hervieu, juriste au Centre de recherche et d’études sur les droits fondamentaux (Université Paris-Ouest), le 7 juillet 2015

  • Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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