Violences sexuelles : sortir du silence
05 octobre 2021
Après le cercle familial et amical, l’Église est la deuxième sphère dans laquelle les jeunes sont exposés au risque de violences sexuelles. Un point mis en avant dans un rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (Ciase). Faisons le point sur les démarches à effectuer et aides à solliciter en cas d’agressions sexuelles.
Après 2 ans et demi d’enquête, la Commission Sauvé* a publié son rapport sur les victimes de violences sexuelles dans l’Église, ce 5 octobre. Triste bilan : aujourd’hui dans la population française âgée de plus de 18 ans, 216 000 victimes ont souffert de violences sexuelles de la part d’un membre du clergé (prêtre, diacre, religieux), alors qu’ils étaient mineurs au moment des faits (données rapportées depuis 1950). Si l’on prend en compte la responsabilité de tous les professionnels exerçant dans le cadre de l’Église, le nombre de victimes atteint les 330 000.
Ce phénomène décrit comme « massif » et « systémique » dans ledit rapport est bien spécifique. Dans cet environnement et selon la Commission Sauvé, ces abus sexuels seraient en effet rendus possibles par plusieurs mécanismes liés à la doctrine catholique. Entre autres points : « l’excessive sacralisation de la personne du prêtre », « la survalorisation du célibat », ou encore « le dévoiement de l’obéissance lorsqu’elle confine à l’oblitération de la conscience » et « la vision excessivement taboue de la sexualité ».
Vous êtes victime ?
Dans le cadre de cette histoire, beaucoup de victimes n’ont pas été entendues alors même qu’elles ont pris la parole. Ce que ne sont pas forcément en mesure faire toutes les victimes. Comme le rappelle Chantal Michard, psychologue clinicienne à Paris, « les violences sexuelles sont souvent passées sous silence de la part des victimes, et demeurent quelquefois une véritable entrave à leur vie affective et sexuelle ».
Si vous avez été exposé(e)s à des violences sexuelles, et dans la mesure du possible, ne restez pas isolé(e)s et confiez-vous, à l’un de vos proches pour commencer. Selon le Dr Neveux Nicolas, psychiatre et psychothérapeute, « consulter un psychiatre ou un médecin généraliste le plus tôt possible ou mieux, les urgences médico-judiciaires » est important.
Et il n’est jamais trop tard pour consulter. Une agression sexuelle même ancienne peut laisser de nombreuses séquelles : « l’apparition d’une dépression, d’angoisse ou d’anxiété importantes, mais aussi de troubles obsessionnels compulsifs (TOC), ou de trouble du comportement alimentaire (TCA). » Ainsi, « si vous avez été victime d’abus sexuels anciens, sachez que ce type d’événement est toujours traumatisant ». Il est conseillé « de consulter systématiquement un professionnel, a fortiori si le souvenir vous fait encore souffrir ».
Si vous le souhaitez, si vous vous en sentez prêt(e), il est aussi possible de porter plainte** en vous faisant accompagner par une association d’aide aux victimes de violences sexuelles. Vous pouvez cliquer sur ce lien pour trouver l’association la plus proche de chez vous.
Une prise en charge intégrale par l’Assurance maladie ?
Ce point n’est pas très connu, mais les consultations liées à des abus sexuels, notamment chez le psychologue, sont intégralement remboursées*** par l’Assurance-maladie, pour les personnes mineures et majeures, si les violences sont survenues avant les 18 ans de la victime.
En plus de l’avantage pécuniaire, la démarche est morale et psychologique. Le remboursement des soins « contribue au rétablissement du patient, facilite la mise en place de soins appropriés, renforce la confiance du patient pour son médecin traitant facilitant ainsi une alliance thérapeutique », décrit le Collectif féministe contre le viol (CFCV). « De plus, le système de soins français ne fait pas le lien entre la cause et les conséquences. Être remboursé(e) suite à des sévices sexuels subis dans l’enfance, permet de reconnaitre la gravité de ce crime dans notre société mais aussi de mettre en évidence son impact sur la santé. »
Quelles thérapies ? A ce jour, les thérapies faisant le plus leurs preuves contre les traumatismes que sont les agressions sexuelles relèvent de psychothérapies mais aussi de thérapies brèves comme les thérapies comportementales et cognitives (TCC) ou l’EMDR.
*Jean-Marc Sauvé, président de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) a remis le rapport éponyme – La commission est composée de 22 membres
**Il est possible de porter plainte jusqu’à 30 ans après la majorité de la victime en cas de viol ou de proxénétisme sur mineurs, 20 ans cas d’agressions sexuelles ou atteintes sexuelles avec circonstances aggravantes, 10 ans en cas de proposition sexuelle, corruption de mineurs, recours à la prostitution de mineurs/ Depuis le 21 avril 2021, le délai de prescription est allongé en cas de non-dénonciation d’agression sexuelle sur mineurs. Il est porté à 10 ans pour les agressions sexuelles et 20 ans pour les viols.
***hors violences sexuelles, les consultations chez le psychologue seront prochainement remboursées à hauteur de 30 ou 40 euros par séance, comme annoncé lors des Assises nationales de la santé mentale le 27 septembre 2021
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Source : Rapport de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), rendu public le 5 octobre 2021 - http://psy-paris-15.travail-et-sante.fr/?page_id=80 - Collectif féministe contre le viol (CFCV)
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Ecrit par : Laura Bourgault – Édité par : Emmanuel Ducreuzet