Viols et agressions sexuelles : le monde du silence se fissure ?

20 mai 2016

Le vice-président de l’Assemblée nationale et député Denis Baupin dans la tourmente. Des femmes, souvent d’ex-collaboratrices, l’accusent de harcèlement sexuel ou d’agressions sexuelles et témoignent dans les médias. Une nouvelle affaire d’agressions sexuelles dans le milieu du pouvoir politique. Ces délits et ces crimes (en fonction de l’acte) sont passibles de graves sanctions. Toutefois, peu nombreuses sont les victimes à porter plainte. Et donc, rares sont les bourreaux à être condamnés. Emmanuelle Piet, présidente du Collectif féministe contre le viol (CFCV) fait le point sur la situation en France.

Considéré par la loi comme un crime depuis 1980 en France, le viol se définit comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise. » La peine encourue est de 15 ans d’emprisonnement. Les autres agressions sexuelles sont des délits. Elles correspondent à « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ».

Agresseur avec ascendant

« La plupart des victimes, près de 90%, ont subi une agression de la part de quelqu’un de proche », rappelle Emmanuelle Piet. « Un père, un oncle, un mari ou encore un patron. ». Plus facile en effet de s’attaquer à un être plus faible que soi. « Et le milieu politique, environnement de pouvoir par excellence, n’y échappe pas. » Toutefois, « on observe une évolution depuis l’affaire Dominique Strauss-Kahn », se réjouit-elle.

En 2011, lorsque le président du Fonds monétaire international (FMI) est accusé de tentative de viol par Nafissatou Diallo à New York, « on a entendu des propos comme ‘il n’y a pas mort d’homme’ », poursuit Emmanuelle Piet. « Aujourd’hui, dans l’affaire Baupin, on n’entend plus ce type de propos. » Même si toutefois les expressions dévalorisantes n’ont pas totalement disparu. Le député Les Républicains Pierre Lellouche a balayé une question sur le sujet en évoquant des « affaires de bonnes femmes ».

Bonne nouvelle ? Les victimes vont-elles enfin être entendues ? « On progresse », assure-t-elle. « Mais très lentement. » Malgré la loi, et parfois à cause de la prescription de certains crimes et délits, « les victimes ne sont que 10% à porter plainte », rappelle-t-elle. Et parmi celles-là, seulement 10% voient leur agresseur condamné…

Présomption d’innocence ou soupçon de mensonge ?

Les victimes portent rarement plainte. Par peur. « En effet, elles connaissent leur agresseur, qui, souvent les a menacé », explique Emmanuelle Piet. « Si tu parles je te tue. Ou encore, ta famille va s’effondrer. Ou ta carrière est finie… » De plus, leur parole est souvent remise en question. « Les victimes sont présumées menteuses », ajoute-t-elle.

Par ailleurs, « la prescription est terrible car elle dédouane l’agresseur sous prétexte d’acheter la paix sociale », dénonce la présidente du CFCV, un collectif qui célèbre cette année ses 30 ans d’existence. Certes, « en trois décennies, des progrès importants ont été réalisés car on en parle », se félicite-t-elle. « C’est devenu un véritable fait de société. » Toutefois, certaines mentalités doivent encore être modifiées pour permettre de libérer la parole des victimes et pour prévenir ces comportements encore trop souvent excusés. Ainsi les victimes sont trop souvent victimes de jugements sur la manière de s’habiller. « Elle portait une mini-jupe, alors elle l’a bien cherché… Alors même que 40% des victimes sont agressées avant 11 ans ! » rétorque Emmanuelle Piet. Les agresseurs continueront-ils longtemps encore à bénéficier d’excuses de la part de la société ?

  • Source : interview d’Emmanuelle Piet, présidente du Collectif féministe contre le viol, 19 mai 2016

  • Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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