30 000 centenaires : pourquoi la France est-elle championne d’Europe ?

14 avril 2023

Avec un triplement du nombre de centenaires ces 50 derniers années, la France est championne d’Europe en la matière. Selon les chiffres de l’Insee publiés le 5 avril dernier, sur 30 000 centenaires, seuls 14 % d’entre eux sont des hommes. Explications avec le démographe Jean-Marie Robine, directeur de recherche émérite à l’Inserm et membre du conseil scientifique de la Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG).

Une femme centenaire

Pourquoi la France compte-t-elle plus de centenaires que ses voisins européens ?

Jean-Marie Robine : Chez les femmes, la France présente l’une des meilleures espérances de vie après 85 ans en Europe depuis très longtemps. Trois pays méditerranéens se disputent d’ailleurs ce titre : l’Italie, l’Espagne et la France. Parmi les critères reconnus comme exerçant une influence essentielle dans les chances de devenir centenaire, on sait qu’il faut appartenir à un pays anciennement développé, comme la France, l’Angleterre ou le Japon. Autre critère : vivre dans un pays régi par la social-démocratie, où les accès aux soins et à l’éducation sont gratuits. On retrouve alors la France, l’Espagne, l’Italie et le Japon. Ce n’est pas le cas en Angleterre ou aux Etats-Unis, où cela coûte très cher.

L’Espagne et l’Italie sont également en bonne position en termes d’espérance de vie. La longévité aurait-elle également à voir avec le climat ?

J.-M. R. : Le climat et l’alimentation seraient en effet les deux derniers facteurs qui font la différence. Le climat méditerranéen n’est ni trop chaud, ni trop froid et l’alimentation est très bonne par rapport à d’autres régions du monde. Une centaine d’hivers au bord de la Méditerranée, c’est beaucoup moins rude pour les organismes qu’une centaine d’hivers dans les pays du nord de l’Europe. Et l’alimentation autour de la Méditerranée est riche d’une grande diversité, avec des fruits, des légumes et du poisson.

86 % des centenaires français sont des femmes. Comment expliquer une telle différence entre les hommes et les femmes ?

J.-M. R. : L’écart en France, entre les hommes et les femmes, est plus prononcé qu’ailleurs, pour plusieurs raisons historiques. Traditionnellement, les femmes restaient à la maison, s’occupaient des tâches ménagères et des enfants, alors que les hommes sortaient travailler et étaient exposés aux risques extérieurs. En outre, et c’est spécifique à la France, jusque dans les années 1960-70, les hommes subissaient une surmortalité considérable du fait d’un alcoolisme très important, lié également à de la violence, des accidents du travail, des troubles cardio-vasculaires… Ces différences ont actuellement tendance à se lisser et à s’équilibrer, mais très lentement.

Selon les chiffres de l’Insee, on retrouve deux fois plus de centenaires parmi les diplômés du supérieur que parmi les non-diplômés. Pourquoi ? 

J.-M. R. : On sait que les taux de mortalité sont liés au niveau d’instruction ; plus on est instruit, mieux on sait gérer sa santé et effectuer les démarches nécessaires en cas de mauvaise santé. L’espérance de vie varie considérablement en fonction du niveau d’études, du métier exercé et du niveau de richesse. Pour les centenaires, il faut bien comprendre qu’être diplômés n’avait pas le même sens qu’aujourd’hui. Être bacheliers à l’époque, c’était être éduqué, mais aussi être bourgeois et disposer de moyens financiers confortables. Les non-diplômés étaient ouvriers ou travaillaient dans la paysannerie.

  • Source : Insee. Interview de Jean-Marie Robine, directeur de recherche émérite à l’Inserm, conseiller scientifique à l’institut national d’études démographiques et à la SFGG

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Vincent Roche

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