Alcool et schizophrénie, un lien avéré ?
21 octobre 2014
Au total, 80% à 90% des patients schizophrènes fument du tabac, et un malade sur deux consomme du cannabis régulièrement. ©Phovoir
Les adolescents atteints de schizophrénie sont plus exposés aux addictions. Sans forcément atteindre la dépendance, « les jeunes sujets à ce trouble psychiatrique ont 30% à 40 % de risque d’observer une consommation excessive d’alcool, à la sortie de l’adolescence ». Les explications du Dr Jérôme Jeanblanc, neurobiologiste du Groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances (Grap-INSERM).
A ce jour, aucune étude ne permet de confirmer que la schizophrénie augmente le risque d’alcoolisme. Il n’y a pas forcément de lien de cause à effet, « mais leur impact sur l’organisme est si proche qu’on ne peut plus continuer à les dissocier », décrit le Dr Jérôme Jeanblanc, l’un des chercheurs à l’origine d’une étude française consacrée au lien entre schizophrénie et alcoolo-dépendance chez l’adolescent.
Chez de jeunes rats schizophrènes, une consommation légère d’alcool (l’équivalent de 1 ou 2 verres chaque jour) augmente le risque d’entrer dans la dépendance à l’âge adulte », ont révélé les auteurs de ce travail, pionnier en la matière. Ces derniers ont aussi prouvé des similitudes sur le mode d’action de ces maladies au niveau cérébral. « La schizophrénie et la dépendance à l’alcool atteignent les mêmes structures cérébrales : le noyau acumens, le cortex préfontal, l’hippocampe et l’hypothalamus ».
Les effets de l’alcool …
Les patients schizophrènes seraient-ils plus sensibles aux effets de l’alcool ? C’est en tout cas ce que pense le Dr Jeanblanc. « Plus réceptifs, ces patients ressentiraient sous l’effet de l’alcool un plaisir momentané encore plus intense comparés aux autres. Ils seraient donc poussés à réitérer leurs expériences plus régulièrement, à des doses de plus en plus importantes, jusqu’à plonger dans l’addiction ». Mais rien ne confirme aujourd’hui cette hypothèse. Les études manquent, et certains chercheurs pensent au contraire que « les patients schizophrènes sont moins sensibles aux produits psychoactifs. Leur organisme aurait besoin de doses bien plus importantes afin de ressentir les mêmes effets euphorisants et/ou apaisants ».
Une prévention possible ?
Il y a 20 ans, l’alcoolo-dépendance était prise en charge par un addictologue, et la schizophrénie par un psychiatre. Aujourd’hui les deux approches sont indissociables. « Plus le soin sera complet mais aussi précoce, plus les temps d’hospitalisation seront réduits, les symptômes de sevrage plus faciles à supporter, et la psychothérapie moins complexe à suivre.
Pour éviter le risque de dépendance à l’alcool, il faut donc intervenir très tôt chez les adolescents ayant une forte prédisposition génétique à a schizophrénie. Et ce dès la sortie de l’enfance et avant 25 ans, âge maximale auquel survient – dans la majorité des cas – ce trouble psychiatrique. D’autant que « les patients atteints d’une pathologie addictive sont souvent porteurs d’une pathologie d’origine psychiatrique », conclut le Dr Jeanblanc.
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Source : Interview du Dr Jérôme Jeanblanc, neurobiologiste du Groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances (Grap-INSERM), le 12 août 2014
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Ecrit par : Laura Bourgault – Edité par : Emmanuel Ducreuzet