Alzheimer : le sommeil paradoxal à l’étude
17 mars 2023
A quel point les troubles du sommeil annoncent-ils un risque de développer la maladie d’Alzheimer ? Pour le savoir, des chercheurs observent le sommeil paradoxal des personnes âgées… ainsi que la présence de dépôts neurotoxiques. Gros plan sur leurs découvertes, à l’occasion de la Journée internationale du sommeil organisée ce 17 mars.
Avant que les premiers signes de la maladie d’Alzheimer ne s’expriment, de nombreux patients rapportent des troubles du sommeil. Ainsi, des difficultés d’endormissement, des phases d’insomnie ou des épisodes de cauchemars récurrents peuvent prendre de l’ampleur avant que la démence ne survienne.
Ces troubles du sommeil « sont-ils causés par les toutes premières étapes de la maladie, ou sont-ils au contraire un facteur de risque, qui favorise la neurodégénérescence ? ». Et « existe-t-il un lien entre les troubles du sommeil et la présence de dépôts neurotoxiques caractéristiques de la maladie d’Alzheimer ? » : des chercheurs du GIP Cyceron de Caen se sont posés ces questions dans leur étude, publiée en janvier dans la revue Annals of Neurology.
Détecter précocement les neurones touchés
Pour y répondre, ils ont scruté le cerveau de personnes âgées sans troubles cognitifs, pendant la phase de sommeil paradoxal, caractérisée par la survenue des rêves. Pour détecter la présence de dépôts de plaques amyloïdes, significative d’un début d’Alzheimer, les scientifiques ont également procédé à des examens d’imagerie (PET scan et IRM). L’occasion par ailleurs « d’évaluer leur structure et leur fonctionnement cérébraux », décrit l’équipe du Dr Géraldine Rauchs*, à l’origine de cette étude.
Principal intérêt de l’étude du sommeil paradoxal : cette phase « implique des neurones (…) précocement atteints dans la maladie d’Alzheimer, les neurones de type cholinergiques ». Et « des modifications du sommeil paradoxal s’observent dès les stades précoces de la maladie, avant celles qui touchent le sommeil lent », poursuit le Dr Rauchs.
Jusqu’ici, les travaux menés concernaient justement l’étude du sommeil lent, « parce qu’il correspond à une période de récupération intense, et parce que c’est durant cette période que les déchets toxiques produits par nos neurones seraient éliminés ». Des observations qui ont par ailleurs confirmé le lien entre « l’accumulation de protéines amyloïdes et les troubles du sommeil lent ».
La puissance des ondes cérébrales pour preuve
Que les chercheurs ont-ils tiré de ces observations ? Premier point : « la puissance des ondes cérébrales qui caractérisent le sommeil paradoxal, les ondes thêta, est d’autant plus faible que les dépôts amyloïdes au niveau du cortex sont nombreux. » Une corrélation tout à fait absente lors des observations menées dans les phases lentes du sommeil. De quoi conforter donc « l’hypothèse d’un lien entre modifications précoces du sommeil paradoxal et risque d’évolution vers la démence » souligne la chercheuse.
Et après ?
Pour en être bien sûr, les équipes devront « étudier chez les mêmes volontaires l’évolution des troubles du sommeil, des troubles cognitifs et de l’agrégation amyloïde au cours du temps ». Et dans un second temps ouvrir la recherche auprès de personnes en « bonne santé cognitive, mais aussi auprès de volontaires qui souffrent de troubles cognitifs de sévérité variable ».
A terme, « le repérage des troubles du sommeil pourrait permettre d’identifier les personnes à risque et leur proposer des approches préventives », conclut le Dr Rauchs.
* Chercheuse au sein de l’équipe Neuropresage, dans l’unité Physiopathologie et imagerie des maladies neurologiques (unité 1237 Inserm/Université de Caen-Normandie) au GIP Cyceron, à Caen
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Source : Inserm, le 9 mars 2023 - Annals of Neurology, 15 janvier 2023
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Ecrit par : Laura Bourgault - Édité par : Emmanuel Ducreuzet