Anticancéreux : pour une production française des cellules CAR-T
16 novembre 2023
L’Académie nationale de médecine veut suivre l’exemple de l’Espagne où une équipe universitaire développe des cellules CAR-T, ce qui en divise le coût par 5. Elle formule des recommandations pour faire baisser le prix des médicaments anticancéreux et rendre la France plus compétitive en la matière.
Le cancer affecte 433 136 patients en France chaque année, selon l’estimation du bulletin épidémiologique hebdomadaire de Santé publique France. Ces dernières années, les traitements ont connu des progrès majeurs. A tel point que le nombre de patients en rémission ne cesse de progresser. Les immunothérapies comprenant les anticorps monoclonaux, les thérapies ciblées ou encore les cellules CAR-T (les lymphocytes T du patient sont prélevés, génétiquement modifiés pour qu’ils deviennent capables de reconnaître les cellules cancéreuses et de les éliminer, puis sont réinjectés dans le sang du patient).
Ces thérapies sont très efficaces et agissent en détruisant spécifiquement les cellules cancéreuses. Problème : leur coût est très élevé. « Ces traitements, qui ont des coûts de production élevés, sont prescrits parfois longtemps, et la durée des prises en charge des patients cancéreux se prolonge ce qui peut être le signe de l’efficacité des médicaments », note l’Académie de médecine dans un rapport rendu public le 7 novembre. Par exemple, selon l’Académie, le coût de la prise en charge du mélanome a été multiplié par 165 entre 2004 et 2017. Les mélanomes mais aussi les leucémies, les lymphomes, les myélomes et certains sarcomes figurent parmi les premiers cancers concernés par ces avancées thérapeutiques. Et participent à l’explosion des coûts de traitement.
L’exemple espagnol
Ces progrès thérapeutiques suivent majoritairement le même parcours : une innovation au sein de start-up, puis une production et une commercialisation par les grands groupes pharmaceutiques. Un développement qui « contribue à proposer des prix d’un niveau inconnu jusqu’alors », alertent les académiciens. Ils citent l’exemple de la perfusion unitaire des cellules CAR-T pouvant coûter entre 300 000 et 400 000 euros par patient.
Dans son rapport, l’Académie de médecine formule des recommandations à l’adresse de l’ensemble des acteurs du soin en oncologie : l’Etat, la Haute autorité de santé, l’industrie pharmaceutique et les prescripteurs. Elle recommande en premier lieu le développement des cellules CAR-T au sein d’institutions publiques. C’est ce qu’a fait l’Espagne, où, à Barcelone, une université a produit des cellules CAR-T à 89 290 euros la dose. Contre 300 000 à 400 000 euros en France quand le processus émane d’un laboratoire pharmaceutique. L’institution prône en outre la création d’une structure « à but non lucratif et sans capital-actions » destinée à développer, produire mais aussi acquérir des traitements anticancéreux brevetés et en approvisionner les centres anti-cancéreux à prix fixe.
La lenteur de l’administration française est également pointée du doigt dans les difficultés de l’Hexagone à être compétitif. Les académiciens plaident ainsi pour un raccourcissement des délais français pour obtenir une autorisation d’essai clinique de phase 1, une demande qui peut actuellement mettre près d’un an à aboutir. Pour exemple, l’unique firme française de production de cellules CAR-T, Cellectis, a dû s’implanter aux Etats-Unis « en raison des lenteurs administratives et des difficultés de réglementation ». Enfin, l’Académie de médecine demande au gouvernement d’« éviter les dispersions de crédits, développer la prise de risque et encourager les investissements publics et privés portant sur l’innovation française dans le médicament anticancéreux ».
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Source : Académie de médecine, Médicaments anticancéreux : disponibilité et soutenabilité économique, 7 novembre 2023
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Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet