Astronautes : sont-ils préparés en cas d’urgence médicale ?
13 janvier 2017
Formation médicale de Thomas Pesquet en 2010. ©ESA – D. Baumbach
Aller dans l’espace, à 400 kilomètres au dessus de la terre ferme, est en soi un exploit. Mais y rester pendant plusieurs mois, dans un endroit confiné comme la station spatiale internationale (ISS) constitue pour le corps humain, un défi à part. Que se passerait-il si l’un des membres de l’équipe se blessait ? Sont-ils bien préparés à affronter une urgence médicale en orbite ? Le Dr Bernard Comet, médecin des astronautes français à l’Institut de médecine et physiologie spatiales (Medes) à Toulouse, nous décrit la préparation et les procédures médicales prévues pour toute mission spatiale.
Thomas Pesquet, le 10e Français à effectuer un séjour dans l’espace, a déjà bien entamé son deuxième mois dans l’ISS. Cette expérience extraordinaire présente de nombreux dangers pour sa santé, comme pour celle de tous les astronautes. C’est pour cela que ceux-ci sont exposés à une sélection drastique, durant laquelle leur état physique et psychologique est passé au peigne fin. Mais surtout, ils sont formés à faire face à de nombreuses situations d’urgence médicale et bénéficient d’un équipement assez complet à bord.
Des compétences d’infirmier
©ESA – D. Baumbach
S’ils ne sont pas tous des professionnels de santé, les astronautes doivent, avant de partir en mission, être formés à de nombreuses techniques d’intervention médicale. Pour ce faire, « ils bénéficient d’une formation aux gestes médicaux de base en une vingtaine d’heures de cours théorique et une vingtaine d’heures de cours pratiques », détaille le Dr Bernard Comet. Au final, ils ont « les compétences d’un infirmier bien entraîné aux gestes d’urgence ».
Intraveineuses, trachéotomie, immobilisation, massage cardiaque, sutures… Ils savent réaliser de nombreuses procédures médicales en cas d’urgence. « Ils apprennent à réaliser des points de suture et des trachéotomies sur des mannequins », précise Bernard Comet. Mais le Crew Medical Officer (CMO), c’est-à-dire le référent médical à bord, doit se former en pratiquant directement à l’hôpital, dans un service d’urgence. « C’est souvent le commandant qui est désigné. »
La station spatiale, elle, est équipée de près de 700 kg de matériel médical. « Ils ont des kits médicaux contenant des pansements, des appareils de défibrillation, d’intubation… », décrit le médecin. « Et des kits de médicaments pour 6 personnes. » Enfin, et c’est ce qui pèse le plus lourd, « des appareils de préventions (Tapis Roulant, Véloergomètre, ARED), des appareils d’électrocardiogramme et autres matériels permettant de poser un diagnostic ».
Des risques spatiaux ou… terre à terre
Mais alors, dans ces conditions, que peut-il bien se passer de grave dans l’ISS ? « Même si on a très soigneusement sélectionné les astronautes, ils peuvent brutalement développer une allergie à un aliment », explique le Dr Comet. « Si un spationaute fait un œdème de Quincke, il peut nécessiter en urgence d’une trachéotomie. » Par ailleurs, des virus, comme celui de la grippe, peuvent être apportés par les nouveaux arrivants dans l’ISS. Des médicaments sont alors nécessaires.
« Certes, les astronautes sont en contact permanent avec des médecins sur terre », souligne Bernard Comet. « Pour Thomas Pesquet il s’agit du Dr Brigitte Godard basée au European Astronaut Centre à Cologne. » S’ils ont la moindre question médicale, ils peuvent être mis en contact dans les minutes avec un praticien. En outre, des consultations sont planifiées une fois par semaine.
Le rapatriement d’urgence
Mais malgré toutes ces mesures de précaution, des urgences nécessitant un rapatriement sur terre peuvent se produire. « Les procédures permettent de faire redescendre un astronaute vers une unité médicale en moins de 24 heures », indique le Dr Comet. Ce fut le cas à deux reprises au cours de toute l’histoire des voyages humains dans l’espace.
En 1985, sur Saliout 7, un cosmonaute russe du nom de Vladimir Vazyutin a souffert d’une prostatite, c’est-à-dire une inflammation aiguë d’origine microbienne de la prostate provoquant une rétention urinaire. Il a dû être rapatrié, alors même que les médecins s’inquiétaient qu’il souffre d’un « fracas de la vessie » lors de l’atterrissage du Soyouz, constituant une urgence chirurgicale de reconstruction de l’organe pour éviter une péritonite. En effet, le choc de l’atterrissage aurait pu entraîner un éclatement d’une vessie trop pleine. Ce qui ne s’est heureusement pas produit.
Le second rapatriement s’est produit en 1987 sur la station Mir, « en raison d’une erreur d’évaluation de la part des médecins », indique le Dr Comet. « Après une sortie extravéhiculaire, un cosmonaute russe a présenté des extrasystoles alarmantes (des palpitations cardiaques) », précise-t-il. « Après l’évacuation, aucune cause n’a peu être découverte. »
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Source : interview du Dr Bernard Comet du Medes, 6 janvier 2017
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Vincent Roche