Cancer de la prostate : bientôt un simple test urinaire pour le diagnostiquer ?
25 novembre 2024
A ce jour, seule une biopsie de la prostate permet de confirmer un cancer de cette glande de l’appareil reproducteur masculin. Mais une équipe française a mis au point un test capable de le détecter dans un échantillon d’urine. Toujours en cours d’évaluation, ce test pourrait révolutionner le diagnostic du cancer de la prostate.
Movember est le mois sensibilisation des cancers masculins ; l’occasion de braquer les projecteurs sur l’essai HOPE, qui vise à prouver la fiabilité d’un simple test urinaire pour diagnostiquer le cancer de la prostate. C’est le cancer le plus fréquent chez les hommes. Chaque année, il affecte près de 60 000 hommes et cause 8 000 décès. Mais contrairement aux cancers du sein, du col de l’utérus et colorectal, il n’existe à ce jour aucun dépistage organisé du cancer de la prostate. Il peut être détecté au moyen d’un toucher rectal, d’un dosage du taux de PSA (un antigène prostatique spécifique), de l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) et, le cas échéant, une biopsie en profondeur des tissus de la prostate pour confirmer le diagnostic. Cet examen invasif, stressant et parfois douloureux peut aussi être à l’origine de complications.
Un essai, baptisé « HOPE », coordonné par l’Institut Curie (Paris), pourrait révolutionner la démarche diagnostique du cancer de la prostate. « L’idée est de développer un moyen simple, pas cher, de détecter et d’orienter les patients, le plus tôt possible vers des traitements adéquats », résume Antonin Morillon, directeur de recherche CNRS/Institut Curie de l’équipe “ARN non codant, épigénétique et fluidité des génomes”.
Détecter le cancer dans un échantillon urinaire
Antonin Morillon et son équipe, en collaboration avec le Pr Yves Allory, anatomopathologiste à l’institut Curie, ont développé un test capable de détecter de nouveaux biomarqueurs du cancer de la prostate dans les urines. « Notre essai, débuté en 2021, consiste à faire la preuve de concept de la possibilité d’obtenir un diagnostic rapide et non-invasif du cancer de la prostate. Il s’agit de de tester directement dans l’urine des patients la présence de marqueurs robustes de la maladie. C’est la première étape: être capable de détecter un cancer de la prostate dans les urines », poursuit le chercheur.
Lorsque que l’essai a débuté en 2022, des participants sains ont été inclus, mais aussi d’autres chez lesquels un cancer de la prostate était soupçonné. « Depuis, on sait s’ils souffraient effectivement d’un cancer ou d’une hyperplasie bénigne de la prostate », précise notre interlocuteur. Pour chaque participant, des échantillons urinaires ont été prélevés. « Aujourd’hui, nous disposons de tous les échantillons et de toutes les informations cliniques. Nous sommes en train de réaliser les analyses informatiques et statistiques pour définir la signature moléculaire du cancer de la prostate. D’ici quelques mois, nous serons, je l’espère, en capacité de proposer un outil pour un diagnostic précoce ».
La face cachée du génome au cœur de la recherche
Quels sont ces biomarqueurs que recherche l’équipe d’Antonin Morillon dans les échantillons urinaires ? En utilisant un séquençage moléculaire de nouvelle génération et des algorithmes d’intelligence artificielle et de bio-informatique, l’équipe a identifié un ensemble de séquençages non catalogués, surexprimés dans le cancer de la prostate. « Toutes nos cellules possèdent une identité moléculaire qui leur est propre. Pour les tumeurs, c’est la même chose, explique le scientifique. On retrouve des gènes exprimés de manière spécifique par rapport à une cellule normale de la prostate. Parmi ces gènes -des signatures identitaires des tumeurs – il y a la face cachée du génome, de l’ADN non codant (un type de matériel génétique qui n’est pas traduit en protéine, ndlr) qui représente 98 % de nos chromosomes et pour lesquels on n’a encore peu d’informations. Ces pans entiers d’ADN sont terra incognita. Et cette face cachée est tellement vaste que cela multiplie les possibilités d’obtenir des signatures spécifiques d’une tumeur ».
Si l’efficacité du test est prouvée, une nouvelle étude pourrait être lancée. Objectif cette fois : être capable de connaître le pronostic du cancer – à haut risque, à risque intermédiaire ou à bas risque. Là encore, une signature moléculaire pourrait être identifiée et recherchée directement dans les urines. « Et si le cancer n’est pas invasif, on pourra conserver la prostate et faire de la surveillance active mais de manière simple, grâce à un test urinaire régulier pour voir si le cancer évolue. Il s’agit de pouvoir offrir ces outils aux patients pour éviter des biopsies inutiles ».
-
Source : Institut Curie, Interview d’Antonin Morillon, directeur de recherche CNRS
-
Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet