Cannabis : la dépénalisation en question

26 février 2016

Continuer à interdire la consommation de cannabis ou dépénaliser son usage ? La question fait débat depuis plusieurs années. L’Académie nationale de médecine pointe les risques du THC, substance psychotrope contenue dans le cannabis. De son côté, le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue au groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, s’est exprimé en faveur d’une légalisation encadrée du cannabis. Explications.

Selon le Pr Bertrand Dautzenberg, la dépénalisation du cannabis permettrait de mieux encadrer l’usage de ce produit. « L’illégalité d’une substance favorise la circulation de produits plus toxiques », confirme-t-il en faisant référence au cannabis riche en résine circulant à travers l’Hexagone. « Le cannabis en France aujourd’hui, c’est l’alcool frelaté au temps de la prohibition », déclare-t-il. Depuis la loi de 1970, les politiques se concentrent sur la pénalisation de la consommation. « Mais cette méthode ne fonctionne pas. La prohibition n’a pas marché pour l’alcool, elle ne marche pas pour le cannabis, comme elle ne marcherait pas contre le tabac ».

« Le THC reste une drogue »

« Le cannabis reste une substance psychotrope, une drogue dont il faut éviter la consommation. Mais pour avoir du cannabis propre sur le marché, donc moins toxique pour les usagers, il faut qu’il soit légalisé », défend ce pneumologue de renommée. Selon lui, il s’agit de miser sur la réduction des risques (RdR), priorité de santé publique.

« La consommation de cannabis augmente et se banalise au point d’être aussi – voire plus – banale que le tabac ou l’alcool » ce produit illicite est en effet si accessible que près de la moitié (45%) des jeunes français en ont déjà consommé. Plus d’un sur trois en a fumé au cours de l’année écoulée. Et selon le dernier baromètre de l’INPES, 17 millions de Français ont déjà expérimenté cette drogue. Soit environ 40% des 15-64 ans, un chiffre qui a augmenté de 9% entre 2010 et 2014.« Parmi les 28 Etats membres de l’UE, la France est aujourd’hui le plus gros consommateur de cannabis ».

Une banalisation dénoncée par l’Académie nationale de médecine.  « Les effets enivrants du THC, utilisé isolément ou plus encore avec l’alcool (…) sont responsables d’accidents routiers, professionnels ainsi que de comportements (…) agressifs », rappelle-t-elle, opposée à la dépénalisation du cannabis.

La légalisation incite à fumer ?

Pour le Pr Dautzenberg, la libéralisation du cannabis ne favoriserait pas sa consommation. « Il n’existe aucun lien entre la sévérité de la répression et le niveau de consommation de cannabis », atteste-t-il. « Une reprise en main du marché par l’Etat comme en Uruguay casserait les trafics qui ouvrent aux jeunes l’accès aux autres drogues. Cela permettrait une prévention efficace chez les jeunes et en milieu du travail ». Autre point, ce droit « permettrait d’étiqueter et de contrôler les produits. Et après un ou deux ans, temps nécessaire pour briser le marché noir, une augmentation adaptée des taxes permettra de faire reculer la consommation, comme dans les Etats qui ont encadré la légalisation du cannabis ».

  • Source : Académie nationale de médecine, le 16 février 2016.Interview du Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue au groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière et président de l’Office français de prévention du tabagisme, le 17 février 2016.

  • Ecrit par : Laura Bourgault : Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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