Chimiothérapie par docétaxel : enquête après 7 décès brutaux
16 février 2017
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Aux mois d’août et septembre 2016, puis février 2017, cinq patientes traitées pour un cancer du sein sont décédées d’une entérocolite sur terrain neutropénique sous traitement par docétaxel, le générique du taxotère, d’après l’ANSM. Selon les informations de nos confrères du Figaro, il y aurait à ce jour au moins sept morts imputables à la prise de ce médicament en France. Ces issues fatales dues à un effet indésirable de la chimiothérapie sont actuellement en cours d’investigation. Les résultats de l’enquête menée par l’ANSM seront disponibles le 28 mars prochain. En attendant, les oncologues ont reçu un courrier d’information de l’agence du médicament.
« En août 2016, trois cas d’issue fatale d’entérocolite sur terrain neutropénique sous traitement par docétaxel dans le cadre du traitement du cancer du sein ont été rapportés », détaille l’Agence nationale du médicament (ANSM) dans un courrier adressé aux oncologues daté du 15 février 2017. « Deux autres cas fatals ont été signalés par la suite, en novembre 2016 et en février 2017. » D’après les informations du Figaro, deux cas supplémentaires seraient à déplorer.
« Tous ces cas concernaient des femmes, âgées de 46 à 73 ans, traitées par docétaxel, en monothérapie ou en association, en situation adjuvante ou néo-adjuvante de cancer du sein », précise l’agence. L’effet indésirable connu sous traitement chimiothérapeutique a provoqué le décès brutal par choc septique de toutes ces patientes.
Effet indésirable le plus fréquent
L’ANSM a ouvert une enquête de pharmacovigilance le 13 septembre 2016, concernant l’ensemble des spécialités à base de docétaxel. La présentation des résultats de l’enquête est programmée le 28 mars 2017. Mais pourquoi l’Agence a-t-elle attendu 6 mois avant d’informer les oncologues. Le Pr Jean-François Morère, chef du département de cancérologie-hématologie des Hôpitaux universitaires Paris Sud indique que « la question a été discutée ce matin avec les médecins dans mon département et nous avons décidé d’adopter les précautions consistant à se tourner vers une autre molécule efficace de la même famille ». En particulier dans le cas des patientes opérées pour une tumeur au sein et pour lesquelles le traitement chimiothérapeutique est adjuvant. Autrement dit, « il est là pour augmenter les chances de guérison et réduire les risques de rechute. Il n’est donc pas acceptable d’exposer la patiente à un risque létal », poursuit Jean-François Morère. Même décision du côté de l’Institut Curie. Lequel « a, par mesure de précaution, stoppé l’utilisation du Docétaxel pour les traitements des cancers du sein. Ces mesures de précautions s’appliquent immédiatement (à partir du 16 février 2017, ndlr) ». L’Institut Gustave Roussy, où 3 patientes sont décédées l’été dernier, ont pris cette décision il y a 6 mois.
Le docétaxel « est autorisée dans des indications de cancer du sein (adjuvant dans le cancer du sein opérable, cancer du sein localement avancé ou métastatique), cancer du poumon non à petites cellules, cancer de la prostate, cancer gastrique, cancer des voies aéro-digestives supérieures », rappelle l’ANSM aux oncologues.
« La neutropénie est l’effet indésirable le plus fréquent observé avec [cette molécule]. L’incidence avec sepsis peut également être augmentée chez les patientes traitées par le trastuzumab en association au docétaxel par rapport à celles traitées par le docétaxel seul. »
Une surveillance des patients accentuée
Afin de prévenir la survenue d’une entérocolite sur terrain neutropénique, « une surveillance fréquente de la numération formule sanguine doit être exercée chez tous les patients traités [avec cette chimiothérapie] », insiste l’agence. En outre, « les patientes présentant une neutropénie fébrile et/ou une infection neutropénique, doivent avoir une réduction de dose de docétaxel à 60 mg/m2 pour tous les cycles ultérieurs »
« Le paclitaxel (une autre molécule de chimiothérapie, ndrl) peut constituer une alternative. Cependant, aucune recommandation n’est formulée à date en l’absence d’éléments complémentaires d’investigation permettant d’évaluer le rapport bénéfice/risque dans le cadre du traitement du cancer du sein », conclut l’ANSM.
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Source : ANSM, 16 février 2017 - interview du Pr Jean-François Morère, chef du département de cancérologie-hématologie des Hôpitaux universitaires Paris Sud, 16 février 2017 - Institut Curie, 16 février 2017
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Laura Bourgault