Cœur artificiel total français : bientôt chez l’homme
23 mai 2013
Le coeur artificiel français est dit ‘total’ car il comporte les deux ventricules. ©Carmat
La société française Carmat a annoncé récemment avoir obtenu les autorisations pour implanter son cœur artificiel total de dernière génération sur 4 patients. Cet événement majeur en matière de chirurgie cardiaque devrait se dérouler au cours des prochaines semaines, non pas en France mais… en Arabie Saoudite, en Belgique, en Pologne ou en Slovénie ! Quelles en sont les raisons ? Le point sur une technologie prometteuse mais qui doit encore faire ses preuves chez l’homme.
Un cœur « total » et « bioprothétique ». Professeur de chirurgie thoracique et cardiovasculaire au CHU de Nantes, le Pr Daniel Duveau est une sommité française en matière de cœur artificiel. Impliqué dans le projet Carmat avec le Pr Alain Carpentier (directeur scientifique de la société) et le Pr Christian Latrémouille (hôpital européen Georges Pompidou), il devrait d’ailleurs participer aux premières implantations.
Cette bioprothèse sera en fait le deuxième cœur artificiel « total », c’est-à-dire comportant deux ventricules. Le premier dit Cardiowest ou encore SynCardia date des années 80. Comme nous l’explique Daniel Duveau, ce nouveau cœur « présente deux révolutions majeures » par rapport à l’existant :
- « C’est un cœur biologique, c’est-à-dire que les parois sont recouvertes non pas de silicone ou de caoutchouc mais de tissus biocompatibles avec le sang. L’objectif étant de limiter le risque de formation de caillots sanguins » ;
- « C’est un cœur qui se veut physiologique. Autrement dit, il vise à s’adapter à la situation de l’individu. Lorsque celui-ci exercera une activité physique par exemple, le rythme accélérera. Et diminuera au repos ».
Ce cœur artificiel est destiné aux insuffisants cardiaques terminaux en échec thérapeutique, dont l’espérance de vie est inférieure à un an. « Voire le plus souvent à quelques semaines. Les patients en question présentent une défaillance irréversible des deux ventricules », poursuit le Pr Duveau.
Après le veau, l’homme. « Nous arrivons à un stade où nous devons passer aux expérimentations humaines », enchaîne-t-il. « Les études sur l’animal – le veau en l’occurrence – sont avancées mais elles ont leurs limites. »
La société Carmat n’a toutefois pas encore reçu les autorisations nécessaires des autorités françaises pour débuter des études sur l’homme. « Dans le contexte actuel, l’administration se montre très prudente », enchaîne le médecin. Le protocole de recherche a toutefois été soumis – et accepté – à 4 centres étrangers. « Par exemple en Pologne et en Slovénie, deux des pays concernés, l’autorisation de l’établissement hospitalier suffit ».
Les premières implantations devraient donc avoir lieu, « le plus vite possible ». L’objectif ensuite, est en quelque sorte de consolider le dossier de façon – si les résultats sont bien sûr à la hauteur des espérances – à démarrer une étude européenne sur une vingtaine de patients.
A terme, ce cœur artificiel total a pour ambition de pallier la pénurie de greffons, en France comme dans les autres pays. Daniel Duveau en est persuadé : « quoi que nous fassions pour mobiliser les donneurs potentiels, il existera toujours une inadéquation entre l’offre et la demande. C’est pourquoi, nous avons besoin de substituts de ce type. Au même titre d’ailleurs que des solutions en matière de thérapie génique destinées à ‘réparer’ les cœurs malades. Il ne doit pas y avoir de compétition entre toutes les alternatives existantes. »
Ecrit par : David Picot – Edité par Emmanuel Ducreuzet