Comment les perturbateurs endocriniens affectent la fertilité ?
29 novembre 2021
Pendant les premiers jours de vie, une exposition même minime au Bisphénol A perturbe l’activité hormonale. A l’âge adulte, la fertilité se trouve altérée à cause de ce perturbateurs endocrinien. Eclairages.
Perturbateur endocrinien (PE) retrouvé notamment dans le plastique* et les résines, le bisphénol A diminue la fertilité des mammifères. Et ce d’autant plus si l’exposition survient très précocement, dans les premiers jours suivant la naissance.
Pour étudier ce phénomène, des chercheurs du CHU de Lille et de l’Université de Lille** se sont concentrés sur les neurones à GnRH, impliqués dans la reproduction… mais aussi très sensibles aux pouvoir des PE. Présents dans le cerveau dès la naissance, ces neurones assurent « la puberté, l’acquisition des caractères sexuels secondaires et la fertilité à l’âge adulte », détaille Vincent Prévot, directeur de recherche à l’Inserm et dernier auteur de l’étude.
La mini-puberté impactée
Mais pour fonctionner, ces neurones à GnRH doivent absolument s’associer avec les astrocytes, d’autres cellules du cerveau : une rencontre qui se fait une semaine après la naissance de tout mammifère. Cette phase appelée mini-puberté est caractérisée par les toutes premières sécrétions des hormones sexuelles. C’est justement à ce moment que l’exposition au Bisphénol A peut fragiliser la fonction reproductrice.
Un point observé chez le rat par l’équipe du Dr Prévot. Des rongeurs femelles ont reçu des injections de Bisphénol A à petites doses, dans les 10 jours suivant la naissance. « Grâce à une technique de marquage des astrocytes, les chercheurs ont pu observer que sous l’effet du bisphénol A, les astrocytes ne parviennent pas à s’arrimer de manière permanente aux neurones à GnRH. » Conséquences ? Un retard de la puberté et une absence de cycle œstral (équivalent du cycle menstruel féminin) chez les petites rates. Et donc une perturbation de la fonction reproductrice.
La fertilité, mais pas seulement. « Un échec de l’intégration des neurones à GnRH lors de la mini-puberté peut entraîner une prédisposition à développer des troubles de la puberté et/ou de la fertilité », confirme le Dr Vincent Prévot. « Mais aussi affecter potentiellement le développement du cerveau et ainsi entraîner des troubles de l’apprentissage ou encore des désordres métaboliques tels qu’un surpoids. »
Bisphénol A, interdit mais toujours présent : si le Bisphénol A n’est aujourd’hui plus autorisé dans les processus de fabrication, il est « toujours présent dans notre environnement du fait de la dégradation lente des déchets plastiques, mais également car il se trouve dans des contenants alimentaires achetés avant 2015 et qui ont été conservés », explique Vincent Prévot. « Avec le recyclage des déchets, le Bisphénol A contenu dans des plastiques datant d’avant 2015 a également pu se retrouver dans des produits neufs. »
*biberons, bouteilles, bonbonnes d’eau, boîtes de conserve, dvd, verres de lunettes, papiers thermiques, prises et interrupteurs électriques…
**laboratoire Lille Neuroscience et Cognition
-
Source : Inserm, Nature Neuroscience, le 18 novembre 2021
-
Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet