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Alors que la première vague de Covid-19 s’abattait sur le monde entier au début de l’année 2020, le recours à l’hydroxychloroquine fut une piste de traitement promue par l’infectiologue français Didier Raoult. Il se basait alors sur les résultats in vitro d’une analyse chinoise parue en février 2020 sur les effets de la chloroquine sur le virus. Rapidement, de nombreux pays du monde ont eu recours à cette molécule ainsi qu’à une molécule proche, l’hydroxychloroquine(déjà utilisée contre le paludisme) pour soigner les malades infectés par le SARS-Cov-2, avec un pic de prescriptions au printemps 2020. En l’absence de résultats probants, voire en présence de résultats mettant en lumière le risque de décès lié à cette molécule chez les patients, le recours à l’hydroxychloroquine s’est progressivement réduit.
Une étude dont les résultats viennent d’être publiés dans la revue Biomedecine & Pharmacotherapy dresse le bilan des décès induits par le recours à l’hydroxychloroquine. Ainsi, au moins 16 990 décès survenus à l’hôpital durant la première vague de Covid 19 seraient liés au recours à l’hydroxychloroquine.
Dès 2021, une méta-analyse d’essais randomisés, publiée dans la revue Nature, avait montré une augmentation de 11 % du taux de mortalité associé à l’utilisation de l’hydroxychloroquine. A partir de cette étude et des données disponibles dans six pays (France, Espagne, Italie, Belgique, Turquie, Etats-Unis), l’équipe de chercheurs français des Hospices civils de Lyon a pu estimer le nombre de décès liés à cette molécule. Ils ont combiné le taux de mortalité des patients hospitalisés, le nombre de patients hospitalisés, l’exposition des patients à l’hydroxychloroquine et le risque de décès accru lié à la molécule. Pour ces six pays, près de 17 000 décès sont imputables à l’hydroxychloroquine.
« La toxicité de l’hydroxychloroquine chez les patients atteints de Covid-19 est en partie due à des effets secondaires cardiaques, notamment des troubles de la conduction (tachycardie ou fibrillation ventriculaire et allongement de l’intervalle QT) », précise l’étude. « La prise d’hydroxychloroquine pour traiter la Covid-19 peut augmenter le risque d’arythmie cardiaque, de troubles sanguins et lymphatiques, de lésions rénales, ainsi que de troubles et d’insuffisance hépatiques », compète l’Organisation mondiale de la santé.
Enfin, ce chiffre de 16 690 ne représente sans doute que « la partie émergée de l’iceberg, sous-estimant largement le nombre de décès liés à l’hydroxychloroquine dans le monde ». En effet, ce bilan ne concerne que six pays alors que le recours à l’hydroxychloroquine a été mondial pendant la première vague et a perduré lors des vagues suivantes dans de nombreux pays. En outre, les résultats ne concernent que les décès survenus en milieu hospitalier et ne prennent pas en compte des patients en ambulatoire traités par hydroxychloroquine.
Prescrit hors AMM (autorisation de mise sur le marché) en dépit d’un faible niveau de preuve d’efficacité, l’hydroxychloroquine n’en fut pas moins présentée comme un traitement miraculeux par ses défenseurs. « Ces résultats illustrent le danger de la réutilisation des médicaments avec des preuves de faible niveau pour la gestion des futures pandémies », conclut l’étude.
Source : Biomedecine & Pharmacotherapy, Deaths induced, by compasionnate use of hydroxychloroquine during the first Covid-19 wave : an estimate, Alexiane PRADELLE, Sabine MAINBOURG, Steeve PROVENCHER, Emmanuel MASSY, Guillaume GRENET, Jean-Christophe LEGA ; 2 janvier 2024 - OMS
Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet