Cytomégalovirus : de plus en plus de voix plaident pour un dépistage chez les femmes enceintes

24 octobre 2024

Après l’Académie nationale de médecine, la Fondation pour l’audition demande le dépistage de l’infection au cytomégalovirus précoce et systématique chez toutes les femmes enceintes. Pourtant, en décembre 2023, le Haut Conseil de la Santé publique (HCSP) avait répété son opposition à sa mise en place. Explications.

Dans un communiqué publié mardi 22 octobre, la Fondation pour l’audition appelle à la mise en place du dépistage précoce et systématique d’une infection au cytomégalovirus (CMV) chez toutes les femmes enceintes. Début octobre, c’est l’Académie nationale de Médecine qui plaidait en ce sens. En cause, une possible infection fœtale pouvant induire des séquelles graves chez le futur enfant.

Le cytomégalovirus est un virus de la famille des herpèsvirus. Très fréquent, il touche 60 à 70 % des adultes dans les pays industrialisés. Inoffensif chez les personnes en bonne santé, il peut être dangereux pour le fœtus. Selon les chiffres de l’Académie nationale de médecine, le virus se transmet de la mère à l’embryon – s’il s’agit d’une primo-infection – dans 30 % des cas. Ainsi, les femmes enceintes de moins de 35 ans, ayant un premier enfant en collectivité, sont les plus à risque d’être infectées. Notez qu’avoir déjà été en contact avec le virus n’immunise pas complètement la personne: une réactivation ou une réinfection est possible. « Cependant, les risques de transmission pour le fœtus sont dix fois inférieurs à celui d’une primo-infection », affirme le Centre hospitalier universitaire vaudois.

Des handicaps neurosensoriels congénitaux

Environ quatre nouveau-nés sur 1 000 en France seront infectés durant leur vie intra-utérine et 17 à 20 % d’entre eux développeront des séquelles à moyen et long terme : « déficit de l’audition, troubles de l’équilibre, déficit moteur, retard mental, constituant la première cause de handicaps neurosensoriels congénitaux dans notre pays, en dehors des anomalies génétiques », précise l’Académie.

Or, le dépistage maternel précoce permet de diagnostiquer une primo-infection. Si le dépistage est positif, la recherche du CMV dans le liquide amniotique peut permettre de poser le diagnostic d’infection fœtale. « Sans ce dépistage maternel précoce, le diagnostic d’infection fœtale à CMV est posé tardivement durant la grossesse, sur la présence de signes échographiques évocateurs (microcéphalies, lésions cérébrales) ou de symptômes à la naissance, le retard du diagnostic ayant laissé place à la réplication du virus induisant des atteintes fœtales constituées », argumente l’institution.

« Un excellent bénéfice risque pour la mère et le fœtus »

Pour le Pr Yves Ville, chef du service d’Obstétrique et de Médecine Fœtale à l’hôpital Necker-Enfants Malades (AP-HP, Paris), cité par la Fondation pour l’audition : « Un dépistage précoce du CMV permettrait de mettre en place des traitements pour réduire la transmission du virus au fœtus. Aujourd’hui, des antiviraux tels que le valaciclovir se révèlent efficaces pour limiter les risques lorsque l’infection est détectée tôt. Pourtant, cette opportunité est encore largement ignorée en France ».  Un traitement également plébiscité par l’Académie nationale de médecine qui décrit « un excellent bénéfice-risque pour la mère et le fœtus ».

« L’infection à CMV est dix fois plus fréquente que la toxoplasmose chez les femmes enceintes, pourtant elle reste largement sous-diagnostiquée. Aucune mesure systématique de dépistage n’est actuellement en place en France, malgré les connaissances que nous avons accumulées », justifie de son côté Marianne Leruez-Ville, virologue et cheffe de service de bactériologie, virologie, parasitologie et hygiène à l’hôpital Necker-Enfants Malades.

Les raisons du refus du HCSP

Malgré ces arguments, le Haut Conseil de la Santé publique (HCSP) s’est prononcé en décembre 2023 contre le dépistage systématique de l’infection à CMV durant la grossesse. En cause :

  • Des conséquences modestes à l’échelle populationnelle en termes de nombre ;
  • L’absence de bénéfice pour les femmes ayant rencontré le virus avant la grossesse et qui peuvent transmettre aussi fréquemment le virus à leur enfant;
  • Les inconnues sur l’efficacité et les risques d’un traitement prolongé à forte dose par valaciclovir sur le devenir du fœtus;
  • Les données disponibles ne permettent pas de conclure à un rapport bénéfice-risque favorable du dépistage du CMV chez la femme enceinte par rapport à la prise en charge courante.

Pour l’Académie nationale de médecine, le HCSP omet de prendre en compte les coûts pour la société de la prise en charge des enfants en situation de handicap.

  • Source : Fondation pour l’Audition, Académie national de médecine, Haut conseil de la Santé publique, Centre hospitalier universitaire Vaudois

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet

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