De 70 à 50 km/h sur le périphérique parisien : de réels bénéfices pour la santé ?

10 octobre 2024

Réduire le bruit, améliorer la qualité de l’air et diminuer le nombre d’accidents. C’est tout ce qu’espère la ville de Paris en réduisant la vitesse autorisée sur le périphérique de 70 à 50 km/heure. Possible ou non ?

Ce jeudi 10 octobre, la vitesse maximale autorisée sur le périphérique parisien est abaissée de 70 à 50 km/h. En chiffres, cet axe est emprunté par 1,2 million de véhicules chaque jour, 7,7 millions de kilomètres sont parcourus, 270 000 véhicules se pressent sur certaines portions et il représente à lui seul 1 à 2 % du trafic national. Quel est l’objectif de la mairie de Paris qui a pris cette décision controversée ? Réduire les nuisances, notamment pour le demi-million de personnes qui vit aux abords de cette anneau routier de 35 kilomètres. Cette perte de 20 km/h sur l’axe qui enserre Paris pourrait limiter les nuisances sonores et améliorer la qualité de l’air. Et pour les automobilistes, réduire le nombre d’accidents de la circulation.

Réduction des nuisances sonores

Selon une étude de BruitParif concernant la baisse de de 80 à 70 km/heures en 2014, celle-ci avait permis de réduire la pollution sonore, surtout la nuit, avec 1,2 décibel de moins en moyenne. La journée, on se situait sur une réduction de 0,5 décibel. Réduites, ces valeurs restaient tout de même très élevées de 73,0 dB à 83,2 dB en fonction du site de mesure. Avec une vitesse de 20 km/h de moins, le nombre de décibels pourrait encore baisser. Selon le Guide du bruit des transports terrestres, relayés par BruitParif, on peut s’attendre à une réduction entre 1,9 et 2,8 dB sur des routes limitées entre 50 et 90 km/h.

C’est déjà ça mais c’est insuffisant, notamment pour l’Organisation mondiale de la Santé. Dans ses dernières recommandations relatives au bruit en Europe, l’OMS préconise d’abaisser le niveau sonore produit par le trafic routier à 53 décibels en journée et 45 décibels la nuit. Au-delà de ces valeurs, l’OMS affirme qu’il y a des effets néfastes sur la santé et le sommeil.

A long terme, l’exposition au bruit peut entraîner diverses conséquences sur la santé. Selon l’Agence européennes de l’environnement, le bruit contribue à l’apparition de 48 000 nouveaux cas de cardiopathie ischémique chaque année et à 12 000 décès prématurés. 22 millions de personnes souffriraient de gêne chronique et 6,5 millions seraient confrontées à des troubles du sommeil chroniques. Une étude chinoise, publiée en 2023, a en outre montré que la pollution sonore à proximité des axes routiers était responsable d’un risque accru d’hypertension artérielle. Une autre étude, publiée dans The Lancet en 2017, associait le fait de vivre à proximité d’une route à fort trafic à un risque accru de démence.

La baisse de la vitesse améliore-t-elle la qualité de l’air ?

C’est compliqué. Selon une étude de l’Ademe publiée en 2014, l’effet positif des émissions et des concentrations de polluants, qu’on sait délétères pour la santé, est attesté par différentes études. De 130-120 km/h à 110-90 km/h et de 90-80 km/h à 80/70 km/h, « la baisse des émissions peut atteindre 20 % pour les oxydes d’azote et les PM10 ; celle des concentrations de polluants dans l’air ambiant pouvant atteindre 8 % selon les polluants. La limitation de vitesse permet d’agir sur le trafic en le fluidifiant et en réduisant la congestion ».

En deçà de ces vitesses, les effets sont plus contrastés. « Il est généralement considéré que la diminution de la vitesse réduit les consommations de carburant et les émissions unitaires de polluants. Cependant, plusieurs autres facteurs interviennent (type et âge des véhicules, pente de la voie, charge, fluidité du trafic, conditions de circulation, etc.) ce qui rend plus complexe la relation entre vitesse et pollution de l’air », poursuit l’Ademe.

Interrogé par le quotidien Ouest-France, Karine Léger, directrice d’AirParif, estime que « la baisse seule d’une limitation à 50 km/h au lieu de 70 aura un impact très limité sur la pollution de l’air », sauf pour les véhicules les plus anciens. Selon la spécialiste, la mesure peut être bonne si elle s’accompagne d’une fluidification du trafic et d’une limitation du nombre de véhicules.

Vitesse réduite : moins d’accidents sur le périph’ ?

Le passage de 80 à 70 km/h en 2014 a entraîné une baisse de 19 % des accidents, et de 25 % pour les motocyclistes, selon la mairie de Paris.

En France, la vitesse est la première cause de mortalité routière (31 %), rappelle le site de la Sécurité routière. Elle aggrave aussi les conséquences de l’accident : « plus la vitesse est élevée, plus le choc est violent en cas d’accident et plus les conséquences sont graves. Tout choc frontal au-dessus de 80 km/h entraîne quasi inévitablement la mort ou des séquelles irréversibles pour tout passager, même ceinturé… ».

Ainsi, selon une note de 2006 du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) « en cas de choc frontal, selon le LAB (laboratoire d’accidentologie et de biomécanique GIE PSARenault), avec ceinture, la probabilité d’être tué est de 2 % à 50 km/h, de 22 % à 60 km/h et passe à 48 % à 70 km/h ». Ainsi, selon le site de la Sécurité routière, une baisse de 1 % de la vitesse moyenne fait baisser mécaniquement de 4 % le taux d’accidents mortels.

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet

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