











© MMD Creative / shutterstock.com
On recense chaque année en France près de 3 000 cas de cancers du col de l’utérus et 1 100 femmes en meurent encore. Si le dépistage du papillomavirus humain (HPV), le virus responsable du cancer cervico-utérin, détecte efficacement la présence de ce micro-organisme infectieux, il ne permet pas, en revanche, de distinguer avec certitude les infections transitoires sans gravité des lésions précancéreuses ou cancéreuses. Cette faible spécificité entraîne une hausse des consultations et une augmentation du nombre de colposcopies (évaluée à 70 %). Cet examen, qui consiste à observer le col de l’utérus à l’aide d’un microscope après application d’un colorant, révèle des lésions précancéreuses ou cancéreuses. Or, plus de 40 % des colposcopies réalisées ne détectent aucune anomalie. Cette situation conduit à des surdiagnostics et des surtraitements, notamment par conisation. Il s’agit d’une intervention qui enlève une partie du col utérin et peut avoir des répercussions sur la fertilité et la grossesse.
Les résultats de l’outil d’intelligence artificielle Cervital®, conçus par le Dr Joseph Monsonego, président de la commission col-HPV du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), viennent d’être publiés dans la revue Computers in Biology and Medicine. Ces travaux confirment le caractère prometteur et fiable de cet outil, qui optimise la prédiction, l’évaluation et la reconnaissance instantanée des cols de l’utérus normaux ainsi que des lésions précancéreuses induites par le HPV.
L’outil en question est un modèle de prédiction du risque diagnostique basé sur l’apprentissage profond, appelé Deep Learning. Il a été entraîné, testé et évalué à partir d’une base de données regroupant 30 000 patientes. Pour chacune d’elles, des informations sur leur histoire médicale étaient disponibles (résultats de dépistage cytologique et/ou HPV, analyses histologiques de biopsies ou de conisations, ainsi que les données d’imagerie collectées lors des consultations depuis plus de 20 ans). L’évaluation des performances du modèle s’est ensuite appuyée sur une sous-population de 6 356 patientes ayant subi, après un résultat anormal au dépistage, une conisation ou une biopsie conoïde (intervention qui consiste à prélever un fragment en forme de cône du col de l’utérus, afin d’analyser en profondeur les cellules du col et d’identifier d’éventuelles lésions précancéreuses ou cancéreuses).
Le diagnostic final de ces patientes, considéré comme une référence incontestable, a servi de « gold standard » pour l’identification des CIN2+ (lésions de haut grade présentant un risque d’évolution vers un cancer). Les performances globales, la discrimination et l’étalonnage du modèle ont été comparés à l’avis sur la colposcopie d’un clinicien expert.
Conclusion, à ce stade, le modèle d’intelligence artificielle surpasse l’expertise d’un praticien expérimenté, avec une performance supérieure de 10 points pour la détection des lésions précancéreuses (CIN2+). « Ainsi, de nombreuses conisations pourraient être évitées sans manquer aucun cas réel de CIN2+, expliquent les auteurs, ce qui confirme l’utilité clinique potentielle des modèles d’apprentissage profond pour réduire les conisations ou biopsies inutiles. »
On peut même imaginer que cette différence pourrait être encore plus importante lorsque l’outil serait utilisé par un praticien moins expérimenté, renforçant ainsi son intérêt pour améliorer la précision diagnostique et homogénéiser la prise en charge sur l’ensemble du territoire.
La prochaine étape ? Cette solution numérique va maintenant faire l’objet d’une validation externe (en la testant sur des données provenant d’autres sources et de différentes populations), multicentrique et prospective. En rendant cet outil accessible à tous, espèrent les chercheurs, l’intelligence artificielle promet d’évaluer avec précision le risque de lésions précancéreuses et de cancers du col de l’utérus, d’améliorer la détection des pré-cancers et d’assister le praticien dans son diagnostic et sa prise de décision. De plus, outre le gain de temps offert aux médecins, ce dispositif permettra d’apaiser les inquiétudes des patientes.
Source : A multimodal deep learning model for cervical pre-cancers and cancers prediction: Development and internal validation study Computers in Biology and Medicine 186 (2025) 109710
Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet