Dépression cognitive : quelle est cette nouvelle catégorie de dépression ?
29 juin 2023
Des chercheurs de Stanford Medecine ont récemment décrit dans la revue JAMA Network Open, une nouvelle catégorie de dépression, appelée biotype cognitif. Ils ont aussi montré que les traitements les plus souvent utilisés contre la dépression, sont beaucoup moins efficaces contre cette forme.
Selon les scientifiques de Stanford Medecine les patients concernés par cette forme de dépression présentent des caractéristiques bien spécifiques : ils rencontrent des difficultés à planifier à l’avance, à faire preuve de maîtrise de soi, à rester concentrés malgré les distractions et à supprimer des comportements inappropriés. L’imagerie a confirmé que ces patients présentaient un ralentissement de l’activité du cerveau dans les deux régions responsables de ces tâches.
Selon l’OMS, la dépression se caractérise par « une tristesse persistante et un manque d’intérêt ou de plaisir pour des activités auparavant enrichissantes ou agréables ». Définie comme un trouble de l’humeur, la dépression, dont souffriraient 280 millions de personnes dans le monde, est donc habituellement traitée avec des médicaments qui cible la sérotonine, « l’hormone du bonheur ». Mais chez les patients atteints de dépression cognitive, ces inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) sont peu efficaces.
Tests cognitifs, imagerie, enquête clinique et auto-évaluation
1008 participants atteints d’un trouble dépressif majeur ont suivi un traitement médicamenteux de huit semaines avec, au hasard, l’un des trois antidépresseurs les plus largement prescrits et qui agissent tous sur la sérotonine. Les symptômes dépressifs des 712 patients qui sont allés au bout du traitement ont été mesurés avant et après, via l’enquête d’un clinicien et d’une auto-évaluation. Ils ont également passé une série de test cognitif mesurant la mémoire, la vitesse de prise de décision, l’attention soutenue…
Les chercheurs ont aussi réalisé deux scanners cérébraux sur 96 des participants, également avant et après le traitement, lors d’un exercice faisant appel à la réactivité. Les images de leur cerveau ont ensuite été comparées avec celles de personnes ne souffrant pas de dépression.
Plus d’un quart des patients concernés
L’ensemble des données collectées a permis de mettre en évidence un type de dépression non-décrit jusqu’ici, le biotype cognitif. « 27 % des participants présentaient des symptômes plus importants de ralentissement cognitif et d’insomnie, une altération de la fonction cognitive lors de tests comportementaux, ainsi qu’une activité réduite dans certaines régions cérébrales frontales », souligne le communiqué de presse relayant cette découverte.
Quant au traitement administré, seuls 38,8 % des patients souffrant de dépression cognitive ont réagi favorablement contre 47,7 % pour les autres participants. L’un de ces traitements, le sertraline, n’agissait que chez 35,9 % des patients au biotype cognitif contre 50 % peur ceux qui ne présentaient pas ce biotype.
Des traitements plus ciblés
L’étude fait partie d’un plus vaste projet visant à permettre aux neuroscientifiques de mieux traiter leurs patients en fonction du type dépression dont ils souffrent. « L’introduction de ces mesures cognitives objectives telles que l’imagerie garantira que nous n’utilisons pas le même traitement pour chaque patient », estime la Pr. Leanne Williams, principale auteure de l’étude.
« La dépression se présente de différentes manières chez différentes personnes, mais trouver des points communs – comme des profils similaires de fonction cérébrale – aide les professionnels de santé à traiter efficacement les participants en individualisant les soins», ajoute-t-elle. Ainsi les chercheurs recommandent pour les patients au biotype cognitif le recours à des traitements moins couramment utilisés, pour atténuer les symptômes, notamment cognitifs.
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Source : JAWA Network Open, A Cognitive Biotype of Depression and Symptoms, Behavior Measures, Neural Circuits, and Differential Treatment Outcomes, 15 juin 2023 ; OMS
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Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet